![]() Toutes les news c'est ici Contact
Abonner un(e) ami(e) Vous abonner Qui sommes no |
|
17.04.2025 - N° 1.966 5 minutes de lecture Interdictions : de la tentation libertaire à la tentation totalitaire Par Jean-Philippe Feldman Agrégé des facultés de droit, ancien professeur des universités, maître de conférences à SciencesPo, avocat à la Cour de Paris.. ![]() Stupéfiant changement : il y a un demi-siècle la gauche voulait interdire d’interdire ; aujourd’hui, elle veut tout interdire. Deux attitudes opposées, mais tout aussi erronées. Sans
interdits, il n’y a pas de vie possible, tout simplement. Ces interdits
sont d’abord ceux que l’individu éduqué s’impose à lui-même, en vertu
de sa morale ou de sa philosophie de vie. Ce sont ensuite ceux que
l’État a pour mission principielle de faire respecter pour que le
spectre de l’anarchie s’efface et que règne la civilisation. Toute
personne sensée comprendra qu’il soit interdit de frapper sans motif
une personne dans la rue ou de mettre en esclavage son voisin. Cependant, l’histoire de l’État est indissociablement liée à la tentation d’accroître de manière démesurée les interdits pour renforcer sa puissance. Comme l’écrivait Jean-Philippe Delsol dans un article récent, la différence entre un État totalitaire et un État libre, c’est que, dans le premier, ce qui n’y est pas autorisé est interdit alors que, dans le second, ce qui n’y est pas interdit est autorisé. Par un retournement radical dont l’histoire de la pensée offre quelques exemples, force est de constater que la gauche qui, le plus souvent, plaidait en faveur de la permissivité il y a quelques décennies, se distingue aujourd’hui, cette fois au travers de toutes ses nuances, par sa volonté d’interdire. La liberté, libérale ou libertaire ? Nous empruntons ce titre à un long article de Raymond Aron publié – la date n’est évidemment pas anodine – en 1969 (il est repris dans ses Etudes politiques, Gallimard, 1972, pp. 235 s.). Peu enthousiasmé, c’est le moins que l’on puisse dire, par la « révolution » de 1968 à l’Ouest, le grand sociologue critiquait l’erreur des libertaires dans leur conception de la liberté. Au contraire, insistait-il, « la liberté des uns résulte des interdits imposés aux autres ». Le célèbre slogan « Il est interdit d’interdire » ne pouvait donc que le rebuter. Pourtant, de manière piquante, le libéralisme a toujours été associé par ses contempteurs aux libertaires. D’abord dans le domaine économique : c’est la critique du « renard libre dans le poulailler ». Ensuite dans le domaine moral : c’est la critique de la liberté entendue comme le droit de tout faire, donc de faire n’importe quoi et, partant, la critique du « droit-de-l’hommisme ». De « Il est interdit d’interdire » à « Il faut interdire » Par un revirement plutôt fascinant, la gauche libertaire a donc fait place à la gauche prohibitive (dans tous les sens du terme…). Certes, la droite n’est pas exempte de cette volonté d’interdire à tout va, de l’écriture inclusive à l’abaya à l’école. Mais il faut reconnaître que la gauche et, plus encore, l’extrême gauche sont devenues orfèvres en la matière. Entre les projets et autres propositions de loi, l’instrumentalisation de la justice et les textes effectivement votés, nous disposons d’une belle brochette d’interdits et nous pouvons redouter le jour où les « ayatollahs de la prohibition » parviendront au pouvoir. Nous en donnerons quelques exemples que connaissent nos lecteurs pour avoir lu les articles de l’Iref depuis plusieurs années, mais nous souhaiterions surtout rappeler l’épée de Damoclès qui est au-dessus de nos têtes. Il faut interdire…
Le 2 juin 2022, Emmanuel Macron avait déclaré que les propositions de la Nupes citaient « 20 fois le mot taxation et 30 fois le mot interdiction ». Franceinfo (9 juin 2022) avait fait le point. En réalité le programme de la gauche comportait 41 fois les mots interdiction ou interdire et 36 propositions diverses d’interdictions, de la prohibition immédiate du glyphosate à la prohibition d’urgence des additifs alimentaires « les plus controversés » en passant par l’interdiction des « licenciements boursiers » ou celle des « parachutes dorés ». Et gageons que les programmes de la gauche et de l’extrême gauche se surpasseront en 2027 ou avant… En contrepoint des lois et des projets de la gauche prohibitionniste, il faut que l’Etat se concentre sur ses missions régaliennes (voir notre article sur les droits régaliens). C’est la seule solution pour qu’une liberté de principe voisine
avec ses exceptions que sont les interdictions. ______________
| ||
Qui
sommes-nous ? Nous écoutons, nous lisons, nous regardons... C'est parfois un peu ardu, et les news peuvent demander de l'attention. Mais elle sont souvent remarquables ! Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion et nourrir celle-ci. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs, et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. Bien sûr, vos commentaires sont très attendus. ![]() |