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11.04.2025 - N° 1.960
  6 minutes de lecture


Condamnation de Marine Le Pen,
depuis quand ne peut-on plus critiquer la justice ?

Par Gilles-William Goldnadel


Fondateur et président de l’association Avocats Sans Frontières, et président de l’Association France-Israël, Gilles-William Goldnadel se déclare « hostile à toutes formes d’antisionisme et d’antisémitisme indépendamment de leur orientation politique » (Le nouveau bréviaire de la haine) et dénonce l’émergence d’un « nouvel antisémitisme » d’une certaine partie de la gauche.Outre son engagement en faveur de l’État d’Israël, il est reconnu comme proche des milieux de droite (Une idée certaine de la France),
et assez loin de l’extrême droite...




Quelques jours après la condamnation de la dirigeante nationaliste
à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire,
Gilles-William Goldnadel s’interroge sur la partialité des magistrats.

Étrange débat : qu’ont fait Voltaire pour Callas et Zola pour Dreyfus ? Depuis quand ne peut-on plus critiquer la chose judiciaire ? Sans être ni Voltaire ni Zola, je vais donc le faire. Sans mot dire sur les juges d’une affaire ni insulter la justice, bien sûr. Je ne vais pas évoquer le Rassemblement national, ni même la condamnation au fond de Marine Le Pen, mais seulement la décision de prononcer l’exécution provisoire de son inéligibilité à l’aide de motivations rien moins qu’aberrantes.

Mais avant que d’aborder cette question simplement, je m’en vais m’autoriser à écrire ici qu’effectivement, et en pesant mes mots, j’ai vu, au fil des ans, baisser considérablement le niveau de fiabilité de la justice française. Et il m’est arrivé de devoir la critiquer publiquement en ma qualité d’avocat d’un dossier particulier. Je pourrais multiplier, hélas, les exemples à l’envi, mais je n’en prendrai qu’un.

Concernant l’assassinat précédé d’actes de tortures de Sarah Halimi par l’islamiste Kobili Traoré. Je représentais la sœur de la victime. La juge a toujours refusé de me recevoir. Elle a refusé de reconnaître le caractère antisémite de l’acte qui a fini par être reconnu comme tel. Enfin, la justice a considéré que l’assassin ne saurait encourir de responsabilité pénale car il était sous la dépendance du cannabis. La cour d’appel de Versailles avait considéré cette circonstance comme aggravante deux ans auparavant dans une affaire similaire. Comment n’aurais-je pas pu, et dû, crier mon sentiment d’indignation devant pareille décision ?

Et je ne fus pas le seul à l’exprimer. Je pourrais multiplier les exemples d’un déclin de la fiabilité de la justice que mon lecteur ne voudra pas expliquer par la rigueur de l’âge et dont je n’ai pas le monopole de l’observation, tant s’en faut. Les explications de ce phénomène sont multifactorielles, mais son premier facteur n’est pas, comme on le dit trop souvent, la politisation, mais de manière plus diffuse et parfois inconsciente, celui de l’idéologie ambiante.

Certes, le ministre de l’Intérieur a eu raison de rappeler le «mur des cons» du Syndicat de la magistrature, qui est l’exemple le plus grotesque et caricatural de l’immixtion la plus vulgaire de l’extrême-gauche haineuse au sein de la chose judiciaire. L’avocat qui signe cette chronique critique n’est pas le moins bien placé pour l’évoquer puisque c’est lui qui a obtenu la condamnation de la présidente du syndicat, symbole de la politisation à outrance, au nom de Robert Ménard, Nadine Morano et Philippe de Villiers. Deux éléments particuliers méritent ici d’être soulignés.

D’abord, le parquet, censé représenter la société, aura jusqu’au bout tenté d’éviter la condamnation du syndicat. Ensuite, à aucun moment le Conseil supérieur de la magistrature n’aura souhaité nuire à la carrière professionnelle de la présidente fautive et condamnée. Ces deux signes sont révélateurs. Ceci posé quant à une indéniable politisation militante d’une partie du corps (le «SM» représente peu ou prou un tiers des magistrats syndiqués), je maintiens que c’est l’idéologie diffuse, conformiste ou gauchisante, de juges majoritairement non syndiqués qui explique parfois l’aberration de certaines décisions.

Comment dès lors accepter qu’un juge puisse précisément déduire,
comme il l’a fait, dans le déni par l’accusée de sa culpabilité
– droit sacro-saint de l’accusé – le refus de s’amender
et le risque de récidiver pour prononcer cette exécution capitale ?


À force d’être dans la subjectivité, le juge a perdu le goût de l’objectivité. Il préfère sa conception toute personnelle de l’équité morale, puisée distraitement dans l’idéologie médiatique ou celle de son environnement encore très gauchisant, à la sèche rigueur objective du juste droit. Il fut un temps où le juge, en raison de la rigoureuse notation qui influait sur sa carrière et par voie de son salaire, était invité à éviter d’être infirmé par la cour d’appel ou cassé par la Cour de cassation. Le plus sûr était de respecter le droit et la loi. Aujourd’hui, il n’a plus à s’en soucier et n’écoute plus que sa conscience… ou son inconscient travaillé en secret. Le juge est devenu un électron libre prisonnier de ses seules inclinaisons. Ce qui, fort heureusement, n’empêche pas les nombreuses exceptions.

En conséquence, il ne m’importe aucunement de connaître les tendances politiques des trois juges qui ont pris la décision tant controversée de prononcer immédiatement l’inéligibilité de la présidente du Rassemblement national, me fiant davantage à la loi statistique. J’ajoute que je n’ai pas le monopole de la critique à laquelle je vais à présent me livrer et qui est partagée par de très nombreux juristes, inclassables politiquement.

Avant cela, un mot sur l’attitude invraisemblablement agressive du parquet dont le corps, au regard de son manque d’indépendance structurelle à l’égard du gouvernement, n’est pas considéré, stricto sensu, comme membre de la magistrature par la jurisprudence européenne. C’est ainsi, par exemple, que l’un des procureurs, requérant contre l’un des prévenus du RN, quoique reconnaissant qu’il manquait d’éléments probatoires reconnut que «cela [lui] ferait trop mal de demander la relaxe». Difficile de ne pas voir ici le goût subjectif de l’équité morale plutôt que celui pour le droit objectif et ingrat.

Mais c’est, comme je l’écrivais sur l’exécution provisoire de l’inéligibilité qui correspond à la peine capitale en politique, que l’esprit de justice de l’avocat qui signe ces lignes ne peut que se révolter.

Il faut comprendre que c’est le principe du droit sacré à un double degré de juridiction effectif qui est piétiné. Comment dès lors accepter – et peu importe la culpabilité – qu’un juge puisse précisément déduire, comme il l’a fait, dans le déni par l’accusée de cette culpabilité – droit sacro-saint de l’accusé – le refus de s’amender et le risque de récidiver pour prononcer cette exécution capitale? Le procès de Kafka n’est pas loin, si ce n’est celui de Prague.

Comment accepter sans discussion cette autre motivation kafkaïenne : « Le tribunal prend en considération le trouble majeur à l’ordre public démocratique qu’engendrerait en l’espèce le fait que soit candidat, par exemple et notamment à l’élection présidentielle, voire élue, une personne qui aurait été déjà condamnée en première instance, notamment à une peine complémentaire d’inéligibilité pour des faits de détournements de fonds publics et pourrait par la suite l’être définitivement » ? Autrement dit, je te condamne à présent à mort et peu importe l’hypothèse que tu sois innocentée post-mortem par la cour en appel puisque tu as le front (national?) de te présenter à la candidature suprême.

Enfin que penser de cette motivation : « L’atteinte aux intérêts de l’Union européenne revêt une gravité particulière dans la mesure où elle est portée (…) par un parti qui revendique son opposition aux institutions européennes ». Ainsi, être opposée à l’Europe supranationale est littéralement considéré comme une circonstance aggravante.

Voilà, expressément, le délit d’opinion validé judiciairement !
Et l’on ne pourrait pas critiquer cette violation manifeste de la liberté de penser ? Qui piétine l’État de droit ?
À moi Voltaire ! À moi Zola !


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