Marie Eloy rappelle l'une des raisons principales
des crises systémiques - climatique, économique, militaire - que nous vivons : l'absence de mixité dans les cercles dirigeants.

Albert Einstein le rappelait avec justesse : « On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui l'a créé. » Et pourtant, face aux crises sociales, économiques, environnementales et géopolitiques que nous traversons, c'est précisément ce que nous nous évertuons à faire.

Imaginons un monde où 89 % des chefs d'Etat, 94 % des CEO, 92 % des maires, 98 % des dirigeants de banques sont des femmes… Et qu'en parallèle, dans tous les domaines, on ne dépasse jamais 10 % à 15 % d'hommes au sommet. Est-ce que le monde pourrait bien fonctionner ainsi, sans la moitié de l'humanité ? Evidemment que non ! C'est pourtant exactement ce que nous vivons aujourd'hui. L'absence de mixité constitue le plus grand bug de l'humanité, celui qui est responsable des crises. Car la mixité n'est pas un sujet secondaire « dont on s'occupera plus tard ». C'est le socle de l'humanité, sans lequel tout dysfonctionne.


La mixité représente cet autre mode de pensée dont nous avons urgemment besoin. Elle ne consiste pas non plus à ajouter trois femmes au sommet des entreprises. Elle transforme en profondeur nos priorités, nos valeurs, notre rapport à l'argent, au pouvoir, à l'environnement, à la paix… C'est pour cela qu'elle est autant attaquée. Elle dérange.

Ce n'est pas un hasard si les mots « femmes », « noir », « handicap » ou « LGBTQIA + » ont été bannis de l'administration Trump. L'absence de mixité permet de maintenir un fonctionnement de nos sociétés archaïque mais familier et donc rassurant. Mais ce repli n'est qu'une fuite en avant court-termiste et dangereuse, incapable de répondre aux crises systémiques.

Pragmatisme

Nous nous trouvons donc à un point de bascule pour l'humanité. Soit nous persistons dans ces mêmes schémas, sans les femmes, et nous nous enfonçons dans les dystopies annoncées, avec des crises qui ne feront que s'aggraver. Soit nous choisissons une autre voie, un chemin de courage, d'espoir et de bon sens, porté autant par les femmes que par les hommes : la mixité. C'est la solution la plus pragmatique pour répondre aux crises, puisqu'elle a un impact majeur sur la paix, l'économie et le vivant. Plus il y a de mixité dans les négociations de paix, plus les accords sont signés rapidement et durent dans temps. Aujourd'hui, dans les médiations et négociations, il n'y a que 3 % de femmes.


Dans l'économie, la mixité renforce l'attractivité, la rentabilité, la créativité, jusqu'à 60 % selon le BIT. S'il y avait autant d'entrepreneuses que d'entrepreneurs, la France gagnerait 145 milliards d'euros de valeur économique en plus, d'après McKinsey.

Environnement

Et comme le démontrent des centaines d'études aux quatre coins du monde, plus il y a de mixité, plus l'environnement est protégé. Ce constat est universel, de la petite communauté forestière au Kenya, en Inde, au Brésil, à nos territoires. Dans l'agriculture, l'entrepreneuriat, au sein des grands groupes dans les parlements… Partout, les femmes sont plus éco-conscientes, écoresponsables, votent et agissent davantage en faveur de l'environnement.

Pourquoi ? Ce n'est ni génétique, ni biologique. C'est logique. Ce sont massivement les femmes qui s'occupent des plus vulnérables, des enfants, des personnes âgées ou malades. Ce sont elles qui gèrent l'alimentation, l'eau potable. Elles constatent la nécessité d'un environnement sain et les conséquences de sa dégradation sur leurs proches. Donc elles agissent. Il faut maintenant que, tout autant, les femmes puissent interagir à la table des décisions et être financées.

Or, seuls 0,2 % des financements philanthropiques sont dirigés vers les associations liant femmes et environnement. Des miettes.