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27.01.2025 - N° 1.886

Mutuelles :
la spirale injustifiée des hausses de cotisations

Par Frédéric Bizard

Frédéric Bizard est professeur d'économie à l'ESCP et président fondateur de l'Institut Santé. Il est auteur du livre « Les itinérants de la santé. Quel futur pour notre système de santé ? » (Michalon, 2024).




Alors que l'Etat couvre une large part des dépenses de santé, l'augmentation des cotisations des mutuelles interroge. Frédéric Bizard, professeur à l'ESCP, appelle à redéfinir les rôles des secteurs publics et privés dans le financement de la santé.

Les mutuelles annoncent une augmentation de leurs cotisations de 6 % en 2025. Chaque année, les mêmes raisons sont avancées, mais elles peinent de plus en plus à justifier une telle escalade. Compte tenu des difficultés financières de l'Assurance maladie, une réforme globale du financement de la santé s'impose.

La hausse de 20 % des cotisations entre 2023 et 2025 dépasse largement l'inflation de 8,8 % et l'Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie de 9,1 %. Ni l'élévation du coût de la vie, ni celle des dépenses de santé ne justifient un tel écart.

Des arguments curieusement absents

Le discours des mutuelles repose sur des arguments contestables : vieillissement de la population, hausse des prix, transfert de dépenses de l'assurance maladie et mise en oeuvre du 100 % santé. Bien que le vieillissement augmente les dépenses de santé, c'est l'assureur public qui en supporte le poids. Les patients chroniques, remboursés à 100 % par ce dernier, continuent pourtant de cotiser aux mutuelles. Ce transfert de charges représente un gain de 3,5 milliards d'euros pour les complémentaires depuis 2012.

L'augmentation des dépenses de santé repose à 80 % sur l'augmentation des volumes et seulement à 20 % sur les prix. Les prix des soins en France sont 30 % inférieurs à la moyenne de l'OCDE, ce qui bénéficie aux mutuelles qui ne rembourse pas les soins coûteux.

Bien que certains transferts, comme la hausse de 30 à 40 % des tickets modérateurs en dentaire en 2023, aient alourdi les remboursements des mutuelles, ces augmentations sont plus que compensées par d'autres facteurs, comme les gains liés aux patients chroniques. D'autant qu'à partir de 2023, l'impact du 100 % santé est devenu marginal.

Certains des arguments des mutuelles sont curieusement absents : les frais de gestion et les remboursements des médecines douces, par exemple. Les premiers ont dépassé 8 milliards d'euros en 2023, en hausse de 2 milliards depuis 2011, soit 3 % par an. Les dépenses dans les médecines douces ont explosé et ont dépassé le milliard d'euros en 2023.

Un système intenable pour les retraités

Les premiers affectés par cette spirale inflationniste sont les retraités. Ces derniers financent à 100 % les cotisations de leur contrat individuel, ce qui représente une charge quatre fois plus élevée à 70 ans, avec un montant de 1.930 € par an, qu'à 40 ans, avec 870 € dont 50 % à charge de l'assuré. C'est la triple peine de l'entrée dans la retraite : un revenu qui baisse, des cotisations - financées à 100 % et non plus à 50 % - qui augmentent deux fois plus vite que l'inflation, et une qualité de contrat qui se détériore.

Pour les entreprises, les contrats collectifs représentent un coût de 14 milliards d'euros par an, sans améliorer significativement la santé des salariés. Ces contrats coûtent également 10 milliards d'euros de recettes fiscales à l'Etat.

Vers un nouveau modèle de financement

La coexistence d'un assureur privé et d'un assureur public pour la même prestation de santé est une aberration économique, unique parmi les pays développés. Il est urgent d'imaginer un modèle socialement et économiquement optimisé, différenciant clairement les missions des financements publics et privés.

Dans un nouveau modèle, voici quels seraient leurs rôles. L'assurance santé publique garantirait le remboursement de l'essentiel des dépenses de soins à hauteur d'environ 80 % des coûts, avec un ticket modérateur non assurable, doté des exonérations existantes, comme pour les Affectons Longue Durée (ALD), les grossesses et les Accidents du Travail et Maladies Professionnelles (AT/MP), auxquelles on ajouterait les populations vulnérables.

Les assureurs privés interviendraient sur des biens et services non remboursés par la Sécurité sociale et financeraient largement la prévention. Un contrat de base défini par le Parlement, à affiliation obligatoire et individuelle, garantirait une couverture équitable et lisible pour tous, tout en permettant aux opérateurs de proposer des options supplémentaires.

Des bénéfices nombreux

Les gains du nouveau système seraient multiples. Les gains financiers, de l'ordre de 20 milliards d'euros, seraient réinvestis dans le système de santé pour la prévention, l'innovation ou la formation. Le renforcement de la solidarité et de l'universalité de l'accès à la santé, l'amélioration de la couverture du risque et une meilleure lisibilité et responsabilisation des acteurs dans le financement seront d'autres bénéfices générés.

Cette réforme du financement est incontournable pour redresser notre système de santé mais aussi pour l'avenir de notre Sécurité sociale, et donc de notre protection sociale. Le financement de la santé, avec la transition écologique, est le défi majeur des pays développés pour les vingt prochaines années.

L'objectif est également de faire du financement de la santé
un levier considérable de création de richesse et de justice sociale,
et non un centre de coûts.


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