En 2001, tous les secteurs économiques ont dû faire face à un choc majeur. Pour l'atténuer, l'Etat a mis en place un dispositif d'exonérations sur les bas salaires, encore en vigueur aujourd'hui. Alors que son coût avoisine 40 milliards d'euros par an, ce dispositif freine la montée en compétences des salariés et l'augmentation des salaires. Bien que l'objectif visât deux millions de créations d'emplois, le gain estimé est de 100.000 à 400.000 emplois créés.

La SNCF et la télévision grandes gagnantes

La réduction du temps de travail (RTT) a surtout favorisé la société des loisirs. Contrairement à ce qui avait été annoncé, le temps passé par chacun à l'éducation des enfants, au bénévolat ou à s'instruire n'a pas augmenté significativement. La RTT a profité aux compagnies aériennes, à la SNCF et aux chaînes de télévision. Depuis, le numérique et les plates-formes de streaming ont aussi bénéficié de l'effet 35 heures.


La réforme a aussi contribué à désorganiser les services publics, plus encore l'hôpital public. La pression sur les actifs, en particulier les cadres, s'est accrue, entraînant une hausse des burn-out. La RTT a également favorisé l'essor du travail précaire : multiplication des CDD, des emplois à temps partiel, montée en puissance des microentrepreneurs.

Aucun pays n'a suivi la France dans la RTT obligatoire. Souvent, la durée du travail est fixée par la négociation et conditionnée aux gains de productivité.

Lutter contre les déficits

Face aux transitions écologique, démographique et géopolitique, devant un déficit abyssal de son commerce extérieur et un endettement record, l'économie française ne souffre-t-elle pas d'un manque de volume de travail ? Son taux d'emploi, bien qu'en amélioration, reste faible. A 68 %, il est dix points en dessous de celui de l'Allemagne. Les seniors sont largement évincés du marché du travail, tandis que 13 % des jeunes ne sont ni en emploi ni en formation (NEET).


Si la France avait le même taux d'emploi que l'Europe du Nord, la dette publique serait largement moins dramatique, la protection sociale et l'adaptation de la société aux dérèglements climatiques comme au vieillissement seraient mieux financées. Selon l'économiste Gilbert Cette, un PIB plus élevé de 10 % en France libérerait 100 à 120 milliards d'euros de recettes publiques par an.

La préférence pour le moindre travail explique aussi pour une large par le déclin du PIB par habitant du pays et sa moindre capacité à investir dans l'industrie et à financer les secteurs de la double transition, écologique et démographique. Un déclin qui participe aussi d'un imaginaire pessimiste singulièrement présent dans la société française.

Retrouver du sens au travail

Il n'apparaît guère possible de contrecarrer le déclin industriel sans relancer les formations techniques et d'ingénieur, sans renforcer le taux de féminisation du secteur et sans favoriser l'emploi d'un plus grand nombre de personnes, en particulier des seniors et des jeunes peu qualifiés.

Accroître le volume de travail serait d'autant plus indispensable que les pénuries de main-d'oeuvre se multiplient. Avec un nombre croissant d'aînés fragilisés, les besoins en services vont augmenter. Par ailleurs, dans une société de plus en plus marquée par la solitude et le repli, le travail reste le principal vecteur de socialisation.

Une des pistes serait de revoir les modes de management trop « jupitériens ». Le manque de sens, le sentiment de « compter pour du beurre », l'absence de considération des salariés et le manque de confiance et d'écoute de leurs initiatives contribuent à la démotivation d'une partie d'entre eux.

Travailler plus ? Oui, mais travailler mieux et retrouver du sens au travail d'abord.