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03.01.2025 - N° 1.863
Un gouvernement démissionnaire jusqu’en juillet ? Par Jean-Philippe Feldman
Agrégé des facultés de droit, ancien professeur des universités, maître de conférences à SciencesPo, avocat à la Cour de Paris. . ![]() Nous n’avons pas pour habitude de faire de la politique-fiction,
mais la situation actuelle en France nous conduit à raviver une hypothèse vaguement évoquée l’été dernier. Le constat est simple :
Les scénarios possibles Jean-Luc Mélenchon a prédit que « François Bayrou ne (passerait) pas l’hiver ». Il a même prévu que le gouvernement serait censuré précisément le 16 janvier, après la déclaration de politique générale du Premier ministre du 14, François Bayrou ayant d’ores et déjà annoncé qu’il ne solliciterait pas la confiance (Le Parisien, 20 décembre 2024). Les députés LFI déposeront une motion de censure et elle sera votée si le RN s’y associe. Soit le RN s’y associe effectivement mi-janvier, ce qui est possible mais peu probable puisqu’il a déclaré vouloir laisser une chance au nouveau gouvernement, soit il s’y associera plus tard, comme pour le gouvernement Barnier. Dans tous les cas, que se passera-t-il alors ? L’objectif annoncé de LFI est de bloquer les institutions et de contraindre, fût-ce par un coup de force ainsi que l’ont annoncé de manière scandaleuse plusieurs de ses parlementaires, Emmanuel Macron à démissionner, avant de mettre en place le processus de la VIe République voulu par Jean-Luc Mélenchon. Le moins mauvais scénario : cristalliser la situation Le meilleur moyen de s’opposer aux gesticulations des Insoumis et au chantage du RN serait de cristalliser la situation jusqu’aux prochaines élections législatives à la suite de la dissolution courant juillet, même si le chef de l’État a déclaré ne pas vouloir dissoudre derechef jusqu’à la fin de son mandat. Par conséquent, faire tomber des gouvernements durant cette période serait irresponsable. Certes, le gouvernement Bayrou ne convient à peu près à personne et il s’annonce comme pire que celui de son prédécesseur. Néanmoins, la situation internationale, avant tout la guerre en Ukraine, imposerait la plus grande stabilité possible. Si cette stabilité n’est définitivement pas possible, ce qui est à prévoir, une solution s’imposerait d’elle-même : que le Président ne nomme pas de nouveau Premier ministre pendant six mois. Le gouvernement Bayrou serait donc démissionnaire durant cette période. Or, la Constitution ne prévoit pas de durée maximale pour un tel gouvernement et un gouvernement démissionnaire ne peut évidemment pas faire l’objet d’une motion de censure puisqu’on ne peut pas censurer un gouvernement déjà censuré (Le Parisien, 17 juillet 2024). La seule échappatoire pour les Insoumis consisterait à recommencer le processus avorté de destitution du chef de l’État et, dans ce cas, il suffirait aux autres groupes politiques de s’y opposer, comme ils l’ont déjà fait le 8 octobre dernier. Ce qu’est un gouvernement démissionnaire Rappelons qu’un gouvernement démissionnaire, pour reprendre les termes de la note du 2 juillet 2024 du Secrétariat général du gouvernement, reste en place jusqu’à ce qu’il soit remplacé par un nouveau gouvernement et ce, « pour assurer, au nom de la continuité, le fonctionnement normal de l’État ». Contrairement à la Constitution de la IVe République, nos institutions actuelles ne mentionnent pas la notion de gouvernement démissionnaire. Il est revenu au Conseil d’État d’en prévoir le régime. En pratique, un gouvernement démissionnaire assume :
Les leçons du droit comparé Pour le dire autrement, un gouvernement démissionnaire ne peut pas bien faire, mais à vrai dire cela ne changera guère de l’ordinaire… Il ne peut pas mal faire non plus, même s’il faut reconnaître qu’il peut exister une incertitude juridique lorsqu’il s’agit de déterminer si telle ou telle mesure a bien été prise dans le cadre des limites fixées par la jurisprudence administrative. Cette situation explique que les libéraux belges disent parfois que leur gouvernement n’est jamais meilleur (ou moins mauvais) que lorsqu’il est démissionnaire… Nos amis outre-Quiévrain sont, il est vrai, des orfèvres en la matière. Le gouvernement démissionnaire le plus long de la IVe République française a duré 38 jours ; le gouvernement démissionnaire Attal sous la Ve République 51 jours, après le gouvernement démissionnaire Pompidou en 1962 d’une durée de deux mois. La Belgique connaît périodiquement, en 2024 encore, des périodes de latence importantes du fait de la fragmentation de son système politique et d’un mode de scrutin à la représentation proportionnelle désastreux. A plusieurs reprises, notamment en 2010-2011, la durée du gouvernement démissionnaire a approché, voire dépassé, les 500 jours (Le Monde, 24 août 2024) ! Refuser la politique du pire Dans notre hypothèse, nous en serions loin en France. Il « suffirait » que le gouvernement démissionnaire tienne durant six mois, en tentant alors de faire patienter autant que possible nos créanciers et les agences de notation de la dette publique… Et il faudrait espérer que la dissolution de juillet, avec des élections prévisibles en septembre compte tenu de la durée de la période électorale et des vacances d’été, aboutisse à une composition suffisamment stable à l’Assemblée pour qu’un gouvernement durable puisse se constituer. Au-delà
de la politique du pire, ne serait-ce pas finalement le meilleur
scénario pour notre pays et pour chacune des grandes tendances
politiques représentées actuellement au Parlement, y compris l’extrême
droite et l’extrême gauche ?
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