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05.11.2024 - N° 1.804
La catastrophe de Valencia : des morts sur l’autel de l’écologie ? Par Eduardo Mackenzie
![]() Eduardo Mackenzie est journaliste. Il est l’auteur de Les FARC ou l’échec d’un communisme de combat. Cruelle
confirmation : les partisans de la destruction de barrages, réservoirs,
digues, étangs et moulins pour « rendre les rivières à la nature » et
protéger la « biodiversité aquatique » portent une part de
responsabilité dans l’inondation qui a dévasté la province de Valencia. Les pluies torrentielles ont été provoquées par un phénomène climatique particulier connu depuis le XIXe siècle. Son nom populaire : « la goutte froide » ou Dépression isolée de haut niveau (Dana) en langage technique espagnol. La catastrophe actuelle — 450 litres d’eau par mètre carré — a également touché Cuenca, Albacete et Málaga et maintient en alerte des villes comme Séville, Cadix, et Huelva. La « goutte froide » se forme lorsque des masses d’air froid provenant des régions polaires du nord se déplacent vers les basses latitudes de l’Europe et sont ralenties par des masses d’air venant du Sahara ou de l’océan. Isolée par des courants chauds, la dépression finit par libérer brutalement d’énormes quantités d’eau, de grêle, de tonnerre et d’éclairs dans une région donnée, faisant déborder les rivières et les canaux, inondant les zones agricoles et les centres urbains. Ce phénomène n’est pas nouveau. La crue de Consuegra en 1891 avait tué 359 personnes. En octobre 1922, dans l’agglomération de Villarreal, des pluies intenses emportent une ville et ses récoltes. Le 14 octobre 1957, le bassin de la rivière Turia déborda et dévasta la ville de Valencia, tuant 300 ou 400 personnes et laissant des milliers d’habitants sans abri. « Des quartiers entiers, comme Campanar, et des zones côtières ont subi des dégâts catastrophiques, avec des niveaux d’inondation atteignant jusqu’à 5 mètres dans certaines rues. La ville était recouverte de boue et de débris et la reconstruction a pris du temps », rappelle le journal Libertad Digital. La réponse à ce malheur fut un plan approuvé par Francisco Franco en 1958 : la construction d’un grand barrage, inauguré en 1973, avec une capacité de 5 000 mètres cubes d’eau, et le détournement de la rivière Turia au sud de Valencia. Ce travail colossal, aujourd’hui appelé Forata, a aidé la ville lors d’autres événements météorologiques extrêmes. Devant le Dana de cette semaine, le barrage a bloqué 37 milliards de litres d’eau. « Il a atteint 100 % de sa capacité. Si cela n’existait pas, la catastrophe de Valencia aurait pu être pire. Il a sauvé des vies. Ses techniciens sont les héros anonymes de la tragédie de Dana » vient de reconnaître le journal madrilène El Mundo 1. La « goutte froide » n’est pas causée par la soi-disant « crise climatique ». Il s’agit d’un phénomène naturel ancien, dévastateur et meurtrier, connu notamment dans les pays méditerranéens. Sa spécificité fait l’objet d’études depuis 1829. Un autre aspect particulier est qu’il existe en Espagne des mouvements d’opinion qui prônent la destruction des barrages et autres ouvrages hydrauliques destinés à maîtriser les inondations. Selon les chiffres officiels, au cours des deux dernières décennies, plus de 560 barrages, digues, réservoirs et moulins ont été démantelés sur diverses rivières d’Espagne. En fait, l’Espagne est la vitrine en matière de destruction des barrières fluviales. Selon la World Fish Migration Foundation, l’Espagne a procédé, rien qu’en 2021, à la démolition de 108 barrières fluviales (seulement 39 en France et 2 en Allemagne). La Gaceta, de Madrid, affirme qu’en 20 ans, l’Espagne a détruit plus de 500 bassins de rétention et barrages. Il y a même un prix pour la suppression des barrages. Dam Removal Europe est parrainé par une ligue de groupes divers — la World Fish Migration Foundation, le Wetlands International, le Fonds mondial pour la nature, le Dam Removal Europe, Rewilding Europe, The Nature Conservancy et le European Rivers Network — qui n’ont qu’un seul mot à la bouche : « barrières obsolètes » Fondé sur les convictions des écologistes et des climatologues de la dernière pluie, le fanatisme anti-barrage vise à encourager la « migration des poissons » et la « biodiversité aquatique ». Il est indiscutable que les grands dégâts causés en Espagne par les inondations résultent, dans de nombreux cas, de ces destructions qui annulent les efforts visant à protéger les personnes et à modérer la fureur des eaux de pluie. La liste des tragédies qui auraient pu être moins dramatiques est longue. Citons, à titre d’exemple, quelques-unes, comme les inondations du Vallès qui ont tué un millier de personnes à Barcelone en septembre 1962, celle d’octobre 1982, dite marais de Tous, et celle du camping Biescas (Huesca) en août 1996, qui a entraîné la mort de 87 personnes. En octobre 2000, selon l’Agence météorologique d’État espagnol (Aemet), il y a eu un épisode de pluies torrentielles. « C’était une « goutte froide » très prolongée, de plusieurs jours, et moins catastrophique que celles de 1982, 1987 et 2024. » Selon le Madrilène El Tiempo, la « goutte froide » de septembre 2019 « a été le pire épisode d’inondation connu dans la Vega Baja del Segura au cours des 100 dernières années. Elle a fait 7 morts et des pertes d’environ 2,150 millions d’euros ». La suppression des barrières et des lagunes réduit la capacité des rivières à absorber les crues, augmentant ainsi le risque pour les villes et détruisant les écosystèmes stables. La destruction de réservoirs et de barrages en 2021 a aggravé les problèmes de sécheresse et a conduit à la catastrophe qui a suivi dans la région de Valencia. Elle a également provoqué des inondations dans le bassin de la rivière Voltoya, dans la rivière Cega et dans des dizaines de villages de la Communauté valencienne et de Castille-La Manche. Ce qui s’est passé à Valencia montre, sous un autre angle, que les pluies torrentielles de ces jours-ci auraient pu tripler les dégâts dans cette région et que grâce à l’existence du réservoir de Forata, de nombreux décès ont été évités. El Mundo souligne : « En trois heures, plus de 20 milliards de litres sont entrés dans le réservoir de Forata. La structure a soutenu le défi. C’est l’un des joyaux de l’ingénierie hydraulique espagnole. Il a été projeté avant la guerre civile par l’ingénieur Vicente Botella Torregrosa (…). Cela faisait partie du plan visant à rediriger le fleuve Turia et à prévenir les catastrophes. Dans ce Dana [de 2024], le barrage a joué un rôle décisif en contenant la force de l’eau qui est entrée à un débit allant jusqu’à 2 millions de litres par seconde. Le réservoir de Forata a sauvé des vies. C’était une lumière au milieu d’une tragédie. » Ce journal a donné aussi des données techniques sur un autre aspect « positif » au milieu de la tragédie actuelle : les « vieux réservoirs » ont également été une « aide sans équivoque dans ce drame ». « D’autres plus petits, comme La Toba, ont résisté, qui est passé de 3,99 hectomètres cubes (41,12 % de sa capacité) à 7,93 (81,79 %) ; Loriguilla, de 22,79 hectomètres cubes (31,2 %) à 38,73 (52,9 %) ; María Cristina, de 0,72 (3,91%) à 5,87 (31,9%) ; Sichar, de 14,78 (29,99%) à 20,62 (41,82%) ; Regajo, de 1,11 (18,48%) à 3,66 (61%). Et le surprenant réservoir de Buseo, qui est passé de 0,77 hectomètres cubes (10,23 % de sa capacité) à 8,54 hectomètres cubes (113,86 % de sa capacité), a résisté. Ces structures et leurs techniciens, qui ont joué leur rôle en silence, ont sauvé des vies. Un des rares miracles après le déluge ». La tragédie de Valencia va intensifier le débat contre l’écologie punitive et irresponsable qui préfère le bien-être des animaux à celui des êtres humains. Les défenseurs de l’idée selon laquelle les démolitions constituent une atteinte à l’économie et créent des risques pour la population devraient gagner du terrain face à ceux qui considèrent que les obstacles dans les rivières représentent « une menace sérieuse pour certaines espèces ». Quand la folie s’installe, il
faut se hâter de la contrer sans tarder.
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