Mon temps étant compté, et le décalage horaire étant important, j’ai évité le métro, et je me suis déplacé en taxi et en Uber. Tous les chauffeurs à qui j’ai eu affaire, à une exception près, étaient africains ou arabes. Tous étaient très pessimistes concernant le futur du pays. Tous m’ont dit être écrasés de charges et d’impôts, et être arbitrairement harcelés par la police alors qu’ils travaillent pour gagner leur vie. Tous m’ont dit qu’Anne Hidalgo détruit et asphyxie Paris, ce que j’ai pu moi-même constater. Tous m’ont dit qu’ils ont perdu beaucoup pendant les Jeux Olympiques, et le même discours m’a été tenu dans tous les restaurants où je suis allé.

Je ne peux considérer que j’ai eu affaire à un échantillon représentatif de la population, mais il suffit de regarder les sondages pour voir que la population française est la plus pessimiste du monde développé, qu’une majorité de ses membres considère que voter est devenu inutile, et que les années Macron ont été effroyables et ont conduit à une situation de déclin qui s’accélère.

Le déclin n’est pas immédiatement visible lorsqu’on parcourt les rues, mais il est visible dans les chiffres. Le niveau de vie moyen de la population française ne cesse de baisser. Le produit intérieur brut par habitant a nettement décroché si on le compare au produit intérieur brut par habitant des Etats-Unis, et le décrochement s’est véritablement enclenché dans les années 1980, sous François Mitterrand et n’a cessé de s’accentuer depuis.

Les politiques suivies par Emmanuel Macron ont, comme celles de tous ses prédécesseurs depuis plus de quatre décennies, géré le déclin, sans qu’aucune réforme pleinement courageuse et lucide n’ait été menée, et Macron a ajouté au reste un insupportable mépris du peuple. Il est désormais extrêmement tard pour que les réformes qui seraient indispensables soient mises en œuvre. J’ai longtemps travaillé avec Alain Madelin, un homme remarquable. Il a fini par quitter la vie politique. Un seul homme politique tient un discours lucide aujourd’hui, Eric Zemmour. Il n’a strictement aucune chance d’arriver au pouvoir. Le Rassemblement National a un programme qui va dans la bonne direction en matière d’immigration et de sécurité, mais qui ne permettrait pas de redresser le pays en matière économique. Je le considère comme un moindre mal, sans plus, et je le soutiens, faute de mieux. Tous les partis politiques existants sont économiquement imprégnés de socialisme, donc d’idées néfastes, sans aucune exception. En procédant à la sordide manœuvre appelée le Front républicain l’été dernier, Emmanuel Macron à rendu la France ingouvernable : cela ne se serait pas produit si les électeurs n’avaient pas suivi bêtement les consignes absolument indignes que des politiciens sans droiture ni épine dorsale leur ont données, et nombre de Français sont donc responsables de ce qui leur arrive.

Un gouvernement a été nommé au moment où je prenais l’avion du retour vers New York, puis Las Vegas. Ce gouvernement ne tiendra vraisemblablement pas très longtemps. Il est constitué de macronistes, donc de membres d’un courant qui a fait naufrage et que la population rejette, et de membres des Républicains qui ont accepté la sordide manœuvre et qui appartiennent à un groupe politique en perdition. Il aurait été difficile de faire pire : cela aurait, certes, été possible, en nommant Lucie Castets premier ministre.


Le gouvernement nommé ne pourra pas redresser les finances publiques. Il n’abaissera pas les impôts et les charges et envisage au contraire de les augmenter. Bruno Retailleau a été nommé au ministère de l’intérieur, ce qui pourrait promettre une politique de fermeté en matière d’immigration et de maintien de l’ordre, mais il a pour comparse Didier Migaud, un homme de gauche partisan du laxisme, devenu ministre de la justice. Les secteurs de l’économie et des affaires étrangères ont été confiés à des seconds couteaux macronistes sans envergure. Mention spéciale au ministre de l’économie, Antoine Armand : il a étudié l’économie dans un institut dirigé par le marxiste Thomas Piketty, et a dit avoir la chance d’hériter d’un bon bilan ! C’est vraiment prometteur !

Marine Le Pen devrait être élue président en 2027, pas avant car Macron ne démissionnera pas, mais il n’est même pas certain qu’elle sera élue. L’inusable Front républicain peut servir encore à confisquer la démocratie. J’ai publié il y a quelques mois un livre appelé Y a t il quelqu’un pour sauver la France ? J’y disais que non, il n’y a personne pour sauver la France. Je continue, hélas, à le penser. La France survivra-t-elle à Emmanuel Macron? La réponse à la question qui sert de titre à cet article est oui. Mais ce sera une France vieillissante, amoindrie, subissant un changement de population que je pense irréversible, et un déclin économique que je pense également irréversible. J’en ai parlé quelques heures avant de prendre l’avion avec mon vieil ami Charles Gave, et il m’a dit être aussi pessimiste que moi. Matthieu Bock-Coté, avec qui j’en ai parlé aussi dans un bar du Quartier latin, est du même avis.

Aux Etats-Unis, la réélection de Donald Trump est probable, mais pas certaine, et le spectre d’une élection de Kamala Harris plane toujours. Une élection de Kamala Harris serait un désastre planétaire absolu (je décris ce qui se passera si Donald Trump n’est pas réélu dans mon plus récent livre, Après l’Amérique ?), mais tous les grands médias français souhaitent cette élection, et je l’ai constaté en lisant quelques commentaires faisant suite à mon passage dans l’émission d’André Bercoff, un autre vieil ami : énoncer les faits concernant Kamala Harris conduit à se faire traiter de malade mental. Ce n’est pas simplement l’avenir de la France qui m’incite au pessimisme, c’est l’avenir de la civilisation occidentale elle-même.

Les civilisations sont mortelles. Dans tout le monde occidental, la gauche a mené un opiniâtre travail de sape : à une époque, les gens de gauche rêvaient de l’Union Soviétique ou de la Chine communiste. Aucun pays et aucun dirigeant aujourd’hui ne les fait rêver. Ils se contentent de soutenir des destructeurs sordides : Lula da Silva au Brésil, Kamala Harris aux Etats-Unis, Hugo Chavez autrefois. Si quelqu’un incarne le moindre espoir de redressement, ils s’en écartent avec horreur.