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17.09.2024 - N° 1.755
Patrons et employés en jean et t-shirt, comment les règles vestimentaires au travail ont changé ? Par Astrid Faguer
![]() Journaliste indépendante (Les Echos Weekend, Le Point, L'Obs, La Croix Hebdo..) ![]() Aujourd'hui,
il est parfois difficile de faire la distinction entre la garde-robe
professionnelle et celle de la sphère privée.
Baskets au bureau, veste croisée le week-end. Quelles sont les raisons de ce glissement stylistique autant que sociétal ? Avant l'été, en visite officielle à Marseille pour parler emploi, sécurité et éducation, le président de la République, Emmanuel Macron, portait une chemise aux manches retroussées assortie d'une cravate. « Un président qui ne porte pas de veste de costume ? Cela aurait été totalement impossible il y a dix ans. C'est bien le signe que les lignes ont bougé », note Pierre Demoux, journaliste aux « Echos » et auteur du livre « L'Odyssée de la basket » (2019). Du lundi matin au vendredi soir, il suffit de regarder autour de soi, dans la rue ou dans les transports en commun, pour noter la raréfaction des ensembles costumes-cravates et autres tailleurs-jupes ou pantalons associés. « Même dans des secteurs longtemps très fermés, comme la politique ou la banque, le code a changé. Le 'friday wear' avait été la première incursion de cette démocratisation de la tenue de travail, désormais le phénomène s'est accentué. » En témoigne la présence désormais bien actée des baskets dans la sphère professionnelle. « Aujourd'hui dans la plupart des métiers de représentation, les salariés chaussent des baskets : commerciaux, agents immobiliers… » Le vestiaire business « twisté et dilué » En 2019, une étude de l'institut Kantar et de l'Institut français de la mode révèle que « les vêtements formels, chez la femme comme chez l'homme, ont perdu du terrain avec des chutes de 30 % à 40 % pour les imperméables ou les manteaux. Les reculs étant parfois encore plus prononcés pour les costumes ou tailleurs femme. » Ainsi, en 2023, une autre enquête de Kantar dévoile qu'entre 2013 et 2022, les ventes de costumes et de tailleurs auraient respectivement enregistré une perte de 73 % et 38 %. ![]() Emmanuel Macron, en visite officielle à Marseille,
débat avec des habitants du quartier de la Busserine, le 26 juin 2023 A Paris, au Bon Marché Rive Gauche, Jennifer Cuvillier, directrice du bureau de style, note de nouveaux comportements d'achat sur le segment business chez les hommes et les femmes. « Pour l'homme, nous avons un espace autour du costume et de pièces plus classiques qui est important et fonctionne très bien. Même si, dans la pratique, les comportements d'achat ne sont pas si formels. En dehors des jeunes gens qui entrent dans la vie active et se créent une base de vestiaire costume et chaussures de ville, on remarque depuis plusieurs années que les hommes n'hésitent pas à mixer le vestiaire business, en introduisant par exemple une basket ou un mocassin avec une semelle en crêpe. Pour la femme, où nous n'avons pas d'espace équivalent, le vestiaire pour une journée business va être twisté, dilué. On va jouer sur les belles matières, les couleurs, les motifs. Le bon pantalon ou la bonne jupe continueront d'être très recherchés mais seront dépareillés de la veste et associés par exemple à une blouse imprimée que l'on peut porter également le week-end. » A bien y regarder aujourd'hui, quasiment toutes les marques proposent un vestiaire pouvant aussi bien servir le week-end que la semaine. « Chez nous, des marques comme Ami ou Officine Générale , qui couvrent l'homme et la femme, sont un très bon exemple de ce type de proposition globale », ajoute Jennifer Cuvillier. ![]() Officine Générale, défilé automne-hiver 2023.
S'il est évident que la tenue de travail est de moins en moins formelle, que dit réellement le Code du travail à ce sujet ? Un salarié a-t-il le droit de s'habiller comme bon lui semble ? A ce propos, l'article L.1121-1 est très clair : « La liberté de choix vestimentaire est un principe fondamental accordé aux salariés. » Toutefois, ce même article prévoit aussi quelques exceptions (uniformes, vêtements de travail exigés pour des raisons de sécurité dans le BTP ou des raisons d'hygiène dans l'agroalimentaire…). Sans compter que, dans l'histoire du vêtement, la Cour de Cassation a déjà statué sur des cas particuliers. Comme celui de cette employée d'une agence immobilière d'Aix-en-Provence, venue travailler dans une tenue inappropriée alors qu'elle était en contact avec la clientèle : la secrétaire adepte des survêtements a été déboutée . Plus récemment, en juillet 2022, à l'Assemblée nationale, c'est l'absence de cravate - qui n'est pourtant plus obligatoire au Palais-Bourbon depuis 2017 - chez les élus Insoumis qui a défrayé la chronique. Le tournant du Covid Recherche de confort ou influence de la mode : quelles sont les raisons de ce glissement de vestiaire général ? « On voit plusieurs explications à ce phénomène. D'abord, le Covid a rendu le milieu du travail plus ouvert, flexible et agile. Pendant les confinements successifs, chacun a pu s'habiller comme bon lui semblait. On a rarement vu quelqu'un confiné chez lui revêtir un costume-cravate pour une réunion Zoom. Cela a forcément participé à démocratiser la tenue de travail. Puis cette actualité a convergé avec les grands sujets de société de l'époque : l'inclusivité et la diversité, qui encouragent chacun à s'habiller à sa guise, à porter une expression plus personnelle dans ses vêtements, y compris sur son lieu de travail. Même les infirmières, tenues de porter leur vêtement médical, s'arrangent de plus en plus pour le customiser », pointe Marie Dupin, directrice business mode et lifestyle pour l'agence de conseil Nelly Rodi. ![]() Par ailleurs, depuis les années 2010, un vent de sportswear a soufflé sur les podiums et il a naturellement infusé nos garde-robes. « Quand les grandes marques de luxe se sont mises à fabriquer des baskets, des jeans, des tee-shirts, des sweats ou des doudounes, cela a clairement légitimé un style plus décontracté, et favorisé son introduction dans les garde-robes, mêmes professionnelles », poursuit Marie Dupin. Plus prosaïquement, l'effacement des frontières entre vestiaire pour la vie professionnelle et pour la vie privée a également été induit par une recherche de praticité, en particulier chez les femmes. « La vie des femmes, notamment celles qui travaillent dans de grandes entreprises, est bien remplie. Elles courent sans cesse, et abandonnent de plus en plus les talons, au profit notamment de baskets, qu'elles n'hésitent pas à porter avec une robe. » L'exemple de Mark Zuckerberg Chez les hommes, il a été prouvé ces dernières années que le combo costume-cravate au bureau n'était pas forcément synonyme de réussite. Bien au contraire. Il suffit de regarder le parcours et la tenue des géants de la technologie pour s'en convaincre. « L'exemple type à ce sujet, c'est évidemment Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, invariablement habillé d'un jean, d'un tee-shirt et de baskets, observe Marie Dupin. Il a démontré qu'il n'y avait aucune corrélation entre la réussite professionnelle et la façon de s'habiller au travail. A l'inverse, il a fait la promotion d'une silhouette confortable, jamais engoncée, qui peut être la même du lundi au dimanche. » Si les barrières vestimentaires entre vie privée et professionnelle sont majoritairement tombées, la « casualisation » du vestiaire n'est pas encore tolérée dans toutes les sphères et situations. Ainsi,
en septembre dernier, quand une rumeur a laissé croire que le couple
Macron s'était rendu aux funérailles de la reine Elizabeth II,
à l'abbaye de Westminster, avec des baskets, la toile n'a pas manqué de s'indigner en quelques secondes et à l'unanimité.
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