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26.08.2024 - N° 1.733 Compétitivité : la France a des atouts considérables, mais… Par Flavien Neuvy ![]() Avant de faire sa carrière en France métropolitaine, Flavien Neuvy a vécu 18 ans en Afrique, notamment à Madagascar et au Burkina Faso. De retour en France, il prend de nombreux postes à la fois dans le public et le privé : directeur de l’Observatoire Cetelem – au titre duquel il intervient sur plusieurs plateaux télévisés nationaux – économiste, responsable du “Market Intelligence” chez BNP Paribas Personal Finance, professeur associé à l’ESC Clermont, il se déclare “passionné par les évolutions du monde du commerce, des marchés automobiles dans le monde et des comportements de consommation.” Dans la sphère publique, il est également conseiller départemental (réélu en 2021), membre du bureau national de l’UDI, et maire de Cébazat. ![]()
La
compétitivité c’est la capacité, pour une entreprise, un secteur
d’activité ou une économie, à faire face à la concurrence et gagner des
parts de marché. Cette compétitivité est devenue une clé essentielle de
la prospérité d’un pays avec l’accélération de la mondialisation des
échanges depuis 40 ans. Entre 1980 et 2022, le commerce mondial a été
multiplié par 7,8
(Source : FMI, World Economic Outlook, avril 2023). Lorsque l’on parle de compétitivité dans le débat public, on évoque le plus souvent la compétitivité-prix. Celle-ci concerne les prix de produits comparables, donc substituables, et dépend essentiellement des coûts de production, mais aussi des taux de change. Ce dernier point de différentiation n’existe évidemment pas en zone euro puisque nous partageons la même monnaie. Mais la compétitivité peut aussi porter sur d’autres facteurs : la qualité des produits, leur fiabilité, leur image de marque, leur technologie, leur adéquation aux besoins. C’est la compétitivité hors-prix ou qualité, appelée aussi compétitivité structurelle. Les facteurs de compétitivité prix et hors-prix sont déterminants dans l’évolution des exportations d’un pays. La balance commerciale de l’Union européenne avec le reste du monde s’est nettement redressée en 2023. Après deux années marquées par une détérioration historique débouchant sur un déficit record de 436,1 milliards d’euros (2,7% du PIB de l’UE) en 2022, le solde est repassé dans le vert à 37,9 milliards d’euros en 2023. L’UE retrouve ainsi la position excédentaire qui prévalait avant la crise énergétique. L’excédent s’est d’ailleurs accru cet hiver pour atteindre, en cumul sur douze mois, 102,9 milliards en février (source Eurostat). C’est vers les États-Unis que l’UE exporte le plus, avec 415 milliards d’euros de janvier à octobre 2023 (source Eurostat), et c’est de Chine que les importations sont les plus élevées avec 434 milliards, toujours de janvier à octobre 2023. Au global donc, l’UE est compétitive avec des excédents commerciaux annuels quasi systématiques depuis dix ans. Derrière ces chiffres positifs, se cachent de fortes disparités d’un pays à l’autre. Prenons l’exemple de la France et de l’Allemagne. En 2023, le déficit commercial de la France se situe à −99,6 milliards d’euros, après un record de –162,7 milliards d’euros en 2022. Sur ces vingt dernières années, la France n’a enregistré que des déficits. Pendant ce temps, avec la même monnaie, l’Allemagne a engrangé un excédent commercial de 209,6 milliards d’euros en 2023, et cumule les bons résultats année après année. Un autre chiffre confirme le déclin de notre pays depuis 25 ans : la part de marché de la France dans les exportations mondiales est passée de 5,1 % à 2,5 %. Nous avons donc des problèmes internes à résoudre pour retrouver une balance commerciale équilibrée. Les leviers pour redresser la situation sont très nombreux. On pourrait évoquer le coût du travail en comparant le coût unitaire du travail (CUT) qui mesure l’évolution des coûts de la main-d’œuvre pour une unité de valeur ajoutée réelle produite. On pourrait aussi évoquer le temps de travail ou le taux d’activité des 15-64 ans. Mais l’idée de ce papier est de dégager quelques idées pour obtenir des résultats significatifs. Les cinq points sur lesquels nous pouvons agir Maîtriser les impôts de production Ces impôts, qui ne reposent pas sur un profit ou un revenu (à la différence de l’impôt sur les sociétés ou des cotisations sociales), sont critiquables en raison de leur déconnexion de l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Ces dernières doivent s’en acquitter, même lorsqu’elles subissent une moindre rentabilité ou une baisse d’activité. Ils nuisent donc à l’attractivité de la France. Conscient de ce problème, le gouvernement a procédé à plusieurs réductions d’impôts depuis 2017. Les sociétés non financières ont bénéficié de la baisse de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises pour près de 3,2 milliards en 2021. La CVAE a elle aussi été réduite, d’abord en 2021 (7 milliards), puis en 2023 (4 milliards), et elle sera progressivement supprimée d’ici à 2027 (- un milliard en moyenne par an de 2024 à 2027). Malgré toutes ces baisses, les impôts de production sur les sociétés non financières (74 milliards en 2023) pèsent autant dans le PIB qu’en 2017 (2,6 %,), c’est-à-dire avant l’introduction de ces baisses d’impôts. En outre, leur poids – net des subventions d’exploitation – dans l’excédent brut d’exploitation a atteint en 2023 le niveau le plus élevé depuis 2014. Cette mauvaise surprise s’explique par le phénomène suivant : l’assiette a augmenté plus vite que le PIB. Le poids de ces impôts dans le PIB a été stable entre 2017 et 2023 parce que les baisses d’impôts n’ont fait que neutraliser l’effet de l’augmentation de l’assiette propre. Il est donc impératif de veiller à ce que ce poids n’augmente plus et cela passe par la maîtrise des taxes foncières qui représentent la moitié de ces impôts de production. La nouvelle baisse de la CVAE pour 1,3 milliard d’euros promise par le gouvernement reste incertaine. Enfin, les recettes du foncier bâti reviennent aux collectivités territoriales, ce qui complexifie la donne. Rappelons que le taux de marge brute des entreprises en France est de 32,1 % (source Eurostat) contre 40,8 % en moyenne en zone euro. Les impôts de production pénalisent la rentabilité des entreprises qui est plus faible qu’ailleurs en Europe. C’est un problème majeur. Simplifier, pour de vrai La complexité de notre pays est sidérante. Nous passons notre temps à voter de nouvelles lois, de nouvelles contraintes, de nouvelles restrictions. Nous avons ainsi construit au fil des décennies un monstre de réglementations. Un sac de nœuds inextricable. À titre d’exemple, le Code de l’urbanisme est passé de près de 185 000 mots au 1er janvier 2012 à environ 265 000 mots au 1er janvier 2023, soit une progression de près de 45 %. Autre exemple : entre 2012 et 2022, ce sont 17 020 nouveaux articles de lois qui ont été publiés (hors lois prises sur le fondement de l’article 53 de la Constitution). Les conséquences sont lourdes. Il y a le temps de travail perdu pour les tâches administratives plus nombreuses en France. Mais il y a aussi le temps perdu dans le développement des nouveaux projets. Notre Code de l’urbanisme est trop complexe. Il en résulte un écart conséquent entre le délai réel d’une implantation qui est de 17 mois en France en 2022 contre huit mois en Allemagne (rapport Guillot, 2022). Il faut le simplifier d’urgence, et réduire les délais d’instruction des permis et des recours contentieux. Il est aussi impératif d’arrêter de surtransposer en droit français les directives européennes. De nombreux rapports sur le sujet ont mis en évidence les problèmes que posent ces surtranspositions qui pénalisent nos entreprises vis-à-vis de nos voisins européens. Remettre de l’ordre dans nos comptes publics La note de la France vient d’être dégradée par l’agence S&P. Décision peu surprenante au regard de la dégradation continue de nos finances publiques. Les chiffres sont sans appel : le déficit public pour 2023 a atteint 154 milliards d’euros, soit 5,5 % du produit intérieur brut (PIB) après 4,8 % en 2022 et 6,6 % en 2021. La dette publique atteint 110,6 % du PIB fin 2023, soit plus de 3000 milliards d’euros. C’est en 2004 que la dette a passé le cap symbolique des 1000 milliards d’euros. Ce qui est le plus problématique, c’est le montant des intérêts payés chaque année. Ils représentaient moins de 35 milliards en 2020 et devraient être d’environ 80 milliards d’euros en 2027. Le paiement des intérêts de la dette publique deviendra ainsi le premier poste de dépenses de l’État. Par ailleurs, la dérive de notre dette publique est moralement douteuse. En effet, cela revient à envoyer la facture de nos dépenses d’aujourd’hui aux générations futures c’est-à-dire à nos enfants et nos petits-enfants. Il est temps de redresser les finances publiques et dire la vérité aux Français : si nous n’agissons pas maintenant, nous allons au devant de gros problèmes. Pourquoi cet élément est aussi un sujet de compétitivité ? D’abord parce que nous faisons partie des (très) mauvais élèves en la matière en Europe, et que les comparaisons d’un pays à l’autre sont très simples à faire. Ensuite et surtout parce que pour être attractif, un pays doit savoir tenir ses comptes publics. Les déficits d’aujourd’hui et le poids de la dette sont les impôts de demain. Les acteurs économiques anticipent toujours. Est-il possible de faire confiance à un pays incapable de bien gérer son budget ? Remettre de l’ordre dans nos finances publiques est donc un impératif. Facile à dire, très difficile à faire. Les pistes existent, mais ne seront pas abordées ici car cela serait trop long. Produire une énergie abondante, décarbonée et la moins chère possible Dans la compétition internationale, les enjeux énergétiques sont centraux. Avoir accès à une énergie peu chère est crucial. Pendant des décennies, le charbon et le pétrole ont été au cœur du développement économique mondial. C’est encore le cas aujourd’hui. La consommation de pétrole est au plus haut avec 102 millions de barils/jour (source AIE). Les importations de pétrole pèsent lourd. En 2023, le déficit sur le pétrole brut s’est établi à 55 milliards et à 19 milliards sur le pétrole raffiné. Il faut donc réduire notre consommation de pétrole pour le bien de notre balance commerciale, mais aussi pour réduire nos émissions de CO2. Il est cependant illusoire de croire que cet objectif peut être atteint avec la seule sobriété énergétique. Nous aurons besoin de substituer une partie de la consommation de pétrole par l’utilisation d’une autre énergie sur laquelle nous avons la main : l’électricité. Il est donc impératif d’avoir une vision de long terme sur la stratégie énergétique de notre pays et d’accélérer sur le nucléaire. Produire une électricité abondante et bon marché est un enjeu clé de la compétitivité de la France. Les industries électro-intensives en font un critère décisif pour les choix d’implantations de nouvelles unités de production. Devenir leader en Europe de l’IA L’intelligence artificielle a fait une entrée fracassante dans l’actualité. Au salon Viva Technologie de Paris qui s’est tenu en mai, on n’a parlé que de cela. Comme au CES de Las Vegas en janvier. L’intelligence artificielle va tout changer dans nos vies et dans celles des entreprises. C’est une révolution dont on ne mesure pas encore réellement l’importance. D’ici dix années, rien ne sera plus pareil. De très nombreux secteurs seront concernés : santé, mobilité, robotique, secteur financier, commerce, culture… Comme dans toute vraie révolution technologique, il est vital d’être parmi les premiers wagons. Force est de constater que ce sont encore les États-Unis qui ont pris le leadership de l’IA. L’Asie suit de près. L’enjeu pour nous, c’est d’être le pays leader de l’IA en Europe. Nous avons les ingénieurs, nous avons les entreprises, nous avons tout pour réussir, mais il faut que les moyens financiers suivent. De ce point de vue, l’annonce par le président de la République que 400 millions d’euros seront investis dans la recherche et la formation sur l’intelligence artificielle va dans le bon sens. Neuf pôles d’excellence doivent former 100 000 spécialistes par an. L’intelligence artificielle va considérablement augmenter la productivité. Selon une étude PWC (Baromètre de l’emploi en IA de PwC, mai 2024), les secteurs les plus exposés à l’IA connaissent une croissance de la productivité du travail près de cinq fois supérieure à celle des secteurs moins exposés à l’IA. Cet écart de gain de productivité se retrouvera d’une entreprise à l’autre. Les différences seront énormes entre celles qui intégreront parfaitement la puissance de l’intelligence artificielle dans leur fonctionnement, et les autres. La France dispose d’atouts considérables dans la compétition européenne. Une situation géographique centrale, des infrastructures de qualité, un système de soins performant malgré les difficultés rencontrées, des écoles de haut niveau, une vie culturelle et artistique intense… la liste est longue. Les premiers résultats sont là. Selon le baromètre de l’attractivité de EY publié début mai, en 2023, pour la cinquième année consécutive, nous
restons le premier pays d’accueil des projets internationaux en Europe,
avec près de 1200 décisions d’implantations ou d’extensions de sites
recensées, ce qui devrait permettre de créer ou maintenir près de 40
000 emplois.
Il faut poursuivre. On peut faire mieux, on doit faire mieux.
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