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11.04.2024 - N° 1.597

Santé : marginaliser le privé revient
à tuer notre modèle universel !

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Par Frederic Bizard
 
Frédéric Bizard, né le 27 janvier 1968 à Niort est un économiste spécialiste
des questions de protection sociale et de santé.
Il est professeur d'économie associé à l'ESCP Europe et à Paris Dauphine notamment.



Le ministère de la santé a récemment annoncé que les tarifs de l'hôpital public vont augmenter davantage que ceux des cliniques privées.
Une discrimination du privé qui va créer des tensions et risque de dégrader fortement le système de santé, alerte Frédéric Bizard.


Le ministère de la Santé a pris la décision le 27 mars dernier d'augmenter les tarifs de l'hôpital public de 4,3 % et ceux des cliniques privées de 0,3 % pour 2024. Une telle discrimination inédite des cliniques privées, dont la part de financement par la « Sécu » est de 91 % des dépenses (contre 93 % pour l'hôpital public), est un acte politique très sous-évalué, si on en juge par le silence assourdissant qu'elle a généré dans la classe politique.

Elle correspond à un acte fossoyeur du modèle universel à la française, pour évoluer vers un modèle anglo-saxon. Elle ne devrait surtout pas réjouir le secteur public.

Choc inflationniste

Avec 40 % des cliniques en perte en 2023, contre 25 % en 2022, le choc inflationniste a naturellement frappé le secteur privé comme le secteur public. Mécaniquement, cette décision va donc conduire à la fermeture des établissements privés les plus fragiles et des services les moins rentables dans les autres établissements, ce qui nourrira la doxa selon laquelle le privé sélectionne son activité, ne fait pas de santé publique, mais uniquement du business.

Sans compter que ces établissements vont sabrer dans leurs coûts de production des soins, aux dépens de la qualité du service aux patients, qui seront de toute façon les premières victimes de cette sanction tarifaire. La tentative de justifier cette mesure par le ministre délégué à la Santé expliquant que le privé a un volume d'activité en hausse, ce qui n'est pas le cas du public, démontre le degré zéro du raisonnement économique, qu'il a largement contribué à développer au sein de l'hôpital public qu'il a dirigé pendant dix ans.

Un système à revoir

Si le privé est devenu plus attractif, cela ne lui permet pas pour autant de poursuivre durablement des activités à perte. Ce raisonnement est aussi appliqué aux professionnels de santé libéraux de ville, avec les conséquences désastreuses des déserts médicaux . Cette sanction tarifaire a un relent populiste. Elle réduit la santé à un monde binaire et simpliste, le public et le privé, peignant le premier de toutes les vertus et le second de tous les vices. Elle nourrit les croyances du peuple sur le fait que la crise de l'hôpital public se réduit à une crise de moyens financiers.

Si c'était le cas, les 27 milliards d'euros de fonds supplémentaires apportés à l'hôpital public de 2020 à 2022, auraient déclenché un élan marqué et perceptible par les soignants et les soignés. On en est loin.

Dans un monde qui a tant évolué depuis 1958, tout est à revoir dans cette institution, comme le démontrent les propositions structurantes des assises hospitalo-universitaires de décembre 2023, dont aucune ne fait mention de besoin de discrimination financière avec le privé. La relance de l'hôpital public nécessitera certes des investissements, mais ces dépenses n'ont un sens que si elles s'accompagnent de mesures structurelles. Sinon l'Etat ne fait qu'arroser le sable.

Assurances aux aguets

Cette discrimination du privé est donc bien un mauvais coup porté à l'hôpital public, qu'elle entretient dans une chimère. Notre système de santé se caractérise depuis 1945 par son universalisme de l'offre intégrant le secteur public et le secteur privé, son universalisme du financement à partir de la Sécurité sociale, son égalité des chances et sa liberté de choix des citoyens.

Le secteur des cliniques privées, comme celui de la médecine libérale, est poussé vers la sortie du modèle universel à la française. Il n'aura d'autre choix que de trouver d'autres financements privés, et de se concentrer sur les patients les plus solvables. Le secteur de l'assurance privée en santé est aux aguets. Il prélève 45 milliards d'euros de primes en 2024 et dispose de plus de 80 milliards d'euros de réserves en santé, dont 80 % sont mobilisables pour financer les soins.

Elles sont prêtes à se substituer à la Sécurité sociale pour les classes moyennes et supérieures, qui n'auront plus de raison d'y cotiser. Le budget de la santé deviendra un budget de l'Etat.

Le centre de gravité du futur modèle basculera inévitablement vers le privé, qui disposera de bien plus de moyens pour attirer soignants et soignés. Le secteur public se paupérisera et n'attirera plus que les plus démunis.

Ce changement de système de santé, réalisé sans aucune validation démocratique, conduirait à une fracture sociétale dans notre pays,
dont on connaît sa façon de gérer ces moments de l'Histoire.




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