Un slogan cousu main « place nette XXL ». Un président dépêché sur place, effet de surprise ménagé : Emmanuel Macron n'a décidé de son déplacement à Marseille que la veille en voyant le succès des premiers coups de filets. Un bain de foule pour fixer les caméras. Des chiffres à foison : 82 interpellations en 24 heures, 63 gardes à vue. En termes de communication, l'opération drogue à Marseille relève bien du format XXL.

Il n'y a pas que la guerre en Ukraine, le président agit, « agile », dit aussi l'Elysée, pour régler les problèmes des Français. De la com' à haute dose dans une campagne électorale, rien de surprenant à cela.

Même s'il n'y a en matière de lutte contre la drogue qu'une seule chose qui compte : est-ce que la donne cette fois peut changer vraiment ? Ou Marseille est-elle devenue une « narcoville » , comme l'ont décrit des magistrats devant le Sénat, l'affaire étant d'une certaine manière classée ?

Pour la première fois en tout cas, l'échelle de la réaction change. L'échelle temporelle d'abord : les forces de l'ordre sont mobilisées en nombre (700 par jours) et sur trois semaines, histoire de tenter de casser cette ronde déprimante que vivent les habitants des quartiers : un point de deal démantelé se reconstitue aussitôt dans d'autres rues voisines.

La tête et la bouche

Ce n'est d'ailleurs pas juste le point de deal qui est cette fois visé, mais la filière - logisticiens, trafiquant de voitures, tueurs à gage, du petit au plus gros. En amont, un travail de fond a été entrepris ces dernières semaines pour accélérer les procédures sur une liste de « most wanted » ou, en bon Français, de personnes les plus recherchées.

L'échelle, enfin, est géographique, une dizaine d'autres villes seront concernées par des opérations de même calibre. « On va rendre la vie des trafiquants, des dealers, de toute la criminalité qui les accompagne impossible », dit Emmanuel Macron. Tel déploiement pourra y contribuer.

En revanche, il manque toujours au dispositif un volet consommateurs. Sans acheteurs de drogue, dans les beaux quartiers souvent, plus de trafic. Gérald Darmanin tente bien d'en verbaliser, mais cela ne saurait suffire. Où est la prise en charge médicale et sociale qui permettrait d'enclencher une dynamique ?

Nulle part pour l'instant. Faute de moyens, faute d'élus locaux volontaires pour monter des centres d'accueil, faute de médecins qui accepteraient d'imposer des soins à des drogués récalcitrants. La pieuvre n'a pas seulement une tête à laquelle le ministre de l'Intérieur promet de s'attaquer, elle a aussi une bouche qui la nourrit sans relâche.