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19.11.2023 - N° 1.454 L’Agirc-Arrco doit-elle contribuer au financement du déficit du système des retraites français ?
Par Jean-Pierre Dumas Jean-Pierre Dumas est un économiste formé à l’Université d’Aix-en-Provence et Paris, Panthéon-Assas. Il a travaillé au Ministère de l’Industrie à Paris, à l’INSEE et au Ministère des Affaires Étrangères (Pérou). Puis il a travaillé pour des banques multilatérales (Banque Asiatique du Développement, BM), et de nombreux bailleurs comme expert en politique économique. ![]() Géré
efficacement par les syndicats, l’Agirc-Arrco représente une réussite
dans le paysage des retraites en France. Pourtant, l’État, aux prises
avec des déficits ailleurs, lorgne sur ses excédents pour équilibrer
ses comptes. « L’État ayant dépensé Tout l’été Se trouva fort dépourvu Quand il fallut financer ses agents, Plus d’argent. Il alla crier famine Chez l’Argirc-Arrco sa voisine, La priant de lui donner Quelques sous pour financer son déficit, « C’est pour la solidarité », lui dit-il. L’Agirc-Arrco n’est pas prêteuse ; C’est là son moindre défaut. « Que faisiez-vous au temps faste ? » Dit-elle à ce quémandeur. « Je dépensais à tout venant, pour de bonnes causes » « Vous dépensiez ! J’en suis fort aise. Eh bien ! empruntez maintenant » L’Agirc (Association Générale des Institutions de Retraite Complémentaire des Cadres) et l’Arrco (Association pour le Régime de Retraite Complémentaire) gèrent les retraites complémentaires des salariés. L’Agirc-Arrco est un système de retraite complémentaire au régime général, c’est un système de retraite par répartition obligatoire, qui fonctionne par points. Les points reçus par chaque pensionné sont fonction du montant des cotisations versées (employeurs et employés) ; le total des points est multiplié par la valeur du point à la date du départ à la retraite. Le montant annuel brut de la retraite est donc égal au nombre de points Agirc-Arrco multiplié par la valeur du point. Une caisse à l’équilibre C’est, oh miracle, une caisse gérée par les syndicats et qui est à l’équilibre ; ce qui n’est pas le cas du système de retraite général, ni a fortiori du système de retraite des fonctionnaires. L’Agirc-Arrco est un système à contribution définie, c’est-à-dire que les prestations sont définies par rapport aux cotisations versées. Autrement dit, s’il y a 100 dans la caisse, on distribue une somme inférieure ou égale à 100. On le fait en jouant sur la valeur du point : si les cotisations dans la caisse s’élevent à par exemple 90, alors, s’ils sont responsables, les gérants de la caisse vont baisser la valeur du point, et on distribuera 90 ; dans le cas contraire, s’il y a 110 dans la caisse, alors les gérants peuvent, soit opter pour le maintien du point à sa valeur et constituer des réserves pour des jours moins fastes, soit distribuer 110. Chaque retraité bénéficiera alors d’une retraite plus élevée, et il n’y aura ni réserves ni déficit. On voit avec cet exemple simple que ce système de retraite par répartition, avec une valeur du point modulable (à la hausse ou à la baisse) en fonction des recettes, est un excellent système quand il est géré par des acteurs responsables… c’est-à-dire, pas par l’État. C’est le cas à l’heure actuelle, ce qui prouve que lorsqu’ils travaillent hors des projecteurs et des déclarations politiques les syndicalistes savent gérer d’une manière sensée un système complexe. Or, l’allongement de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans a pour effet de gonfler les cotisations, et donc les excédents du régime complémentaire. Il y a, ce que l’on appelle en France, une « cagnotte » (c’est le niveau économique). Des entrées exceptionnelles, dues à une réforme élémentaire du système de retraite français (on passe de 62 à 64 ans…), sont estimées à 400 millions d’euros en 2024, à 800 millions d’euros en 2025 ; et 1,2 milliard d’euros en 2026. Ce surplus peut : soit être capitalisé, soit être dépensé, soit être « confisqué » par l’État pour financer le système de retraite des fonctionnaires ou le régime général, tous deux largement déficitaires, ou pour servir à financer des promesses faites dans le feu de la négociation (relèvement des petites pensions). Dans tous les cas, on appellera cela la solidarité entre régimes. Cette solidarité ne peut être qu’à sens unique étant donné la disparité entre un système de base et un système public des retraites déficitaire, et un système complémentaire excédentaire. Inutile de dire que la solution choisie par l’Agirc-Arrco a été celle de dépenser immédiatement ce surplus (sans mettre en péril les réserves confortables qu’elle possède, estimées à 68 milliards fin 2022). Les pensions complémentaires des retraités Agirc-Arrco seront revalorisées de 4,9 % dès le début novembre 2023. Le gouvernement avance que cet accroissement des recettes du système complémentaire n’a rien à voir avec la gestion de l’Agirc-Arrco, mais qu’il est le résultat de la réforme des retraites qu’il a menée, réforme nécessaire et impopulaire. Ce surplus n’appartient donc pas à l’Agirc-Arrco, et il ne serait pas anormal que la totalité, ou du moins une partie, aille à la solidarité entre caisses, la caisse excédentaire finançant une partie des caisses déficitaires (régime général et pourquoi pas, abonder les petites retraites). Cela montre que dès qu’il y a un surplus exceptionnel (Agirc-Arrco, UNEDIC), l’État ne pense qu’à le dépenser quitte à invoquer des économies. L’État est dans une situation désespérée Toutes ces négociations portent sur le marginal. Il y a un excédent exceptionnel, comment le dépenser ? Faut-il le réserver pour son destinataire, faut-il le partager ? Et pour qui ? Faut-il augmenter des cotisations ici, et les réduire ailleurs ? Faut-il raboter les allègements de charges des entreprises ? Toutes ces discussions sont un peu dérisoires compte tenu du problème posé. Elles montrent que l’État est dans une situation désespérée, et cherche par tous les moyens à grappiller des sous pour financer un système de retraite à bout de souffle. Cela montre ce que dit M. Jouyet dans son dernier livre : Je n’ai jamais senti chez Chirac, Hollande, Sarkozy et Macron le moindre intérêt pour la réforme de l’État.
Cet immobilisme est conforté par une haute administration pusillanime qui, chaque fois qu’une réforme est nécessaire, répond « Est-ce bien nécessaire monsieur le ministre ? » Aucune réforme n’est possible sans un diagnostic. Le système des retraites français repose sur la répartition, c’est-à-dire que les actifs paient pour les pensions des retraités actuels. Pour que le système soit viable, il faut que le montant des cotisations soit égal ou supérieur au montant des prestations la même année. Non seulement les cotisations doivent être égales aux dépenses (prestations versées), mais il faut que les cotisations futures (sur au moins une génération) soient égales aux prestations futures. Dans le cas contraire, il se forme un déficit qui ne peut être financé que par des emprunts, c’est-à-dire des impôts futurs. Or, il n’y a aucune justification éthique et économique pour que les retraités d’aujourd’hui soient financés par de la dette, c’est-à-dire par les impôts futurs que devront payer nos enfants et petits-enfants. Le ratio clef est le nombre d’actifs (cotisants) par rapport au nombre de retraités. Or, nous savons que ce ratio va en diminuant inexorablement (le ratio doit être projeté sur 30 ans). Le problème de la retraite en France (comme partout dans le monde) est un problème démographique et un problème financier. Si c’est un problème démographique, il doit être étudié sur la longue durée, qui n’intéresse pas les politiques, sauf pour l’allongement de l’âge de la retraite qui est une réforme nécessaire, mais très insuffisante. Poser le diagnostic Quand on parle du système des retraites, les questions à poser sont :
Le montant des recettes du système des retraites par répartition en France s’élève en 2021 à 227 milliards d’euros, soit 8,6 % du PIB. Bien entendu, dans les cotisations on ne tient pas compte des subventions de l’État en faveur de ses fonctionnaires qui, sur le plan économique, s’analysent comme des dépenses publiques (subventions). On considère que la cotisation de l’État est équivalente à celle du secteur privé en faveur de ses salariés, soit 16 % du salaire brut. Au niveau national, les prestations totales s’élèvent à 345 milliards d’euros, soit 13 % du PIB. Le déficit du budget des retraites français est donc égal aux cotisations moins les prestations (227-345 = -118 milliards) ; ce n’est pas exactement le même chiffre que celui du COR, qui trouve un… surplus de 800 millions cette année. Nous ne reviendrons pas sur les âneries du COR qui est un organisme idéologique dont l’objectif consiste à montrer que le budget retraite en France est équilibré grâce aux subventions de l’État, et que les retraites des fonctionnaires ne pèsent pas dans ce déficit. Ce déficit est couvert par des subventions et des impôts.
![]() Les marchés imposeront le changement Une fois le diagnostic fait, les questions à poser sont les suivantes :
Ces discussions autour de la répartition du surplus sont dérisoires par rapport à l’enjeu. Le nœud du problème consiste à supprimer le ratio de 75 % du dernier salaire pour les fonctionnaires, mais ici nous entendons les hauts fonctionnaires dire : « Est-ce vraiment nécessaire, Monsieur le ministre ? Pensez à la rue (et pensez à notre propre intérêt) ». En admettant que ceux qui décident dans notre pays aient fait le diagnostic, ils n’ont aucun intérêt à ce que ça change (non seulement ils n’ont pas intérêt, mais ils demandent que leurs retraites soient calculées sur leur dernier salaire plus leurs primes). Les
retraites françaises sont financées par l’accroissement de la dette qui
représente environ la moitié du déficit budgétaire français.
Quelle que soit la réponse du haut fonctionnaire et de la rue, la question sera sans doute posée un jour par les marchés.
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