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07.11.2023 - N° 1.442

Taxe carbone : sauver le climat par le marché ?
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Par Philippe Aurain

Philippe Aurain est Directeur des Etudes Economiques de La Banque Postale. Il a commencé sa carrière à la Caisse des Dépôts, notamment comme Responsable des Etudes au sein de la Direction des Fonds d’Epargne avant de se tourner vers les marchés financiers. Il a ensuite été Directeur Financier du Fonds de Réserve pour les Retraites puis Directeur Délégué de Fédéris Gestion d’actif.
Entré dans le Groupe LBP en 2015, il a avant sa position actuelle été membre du directoire de LBPAM et Secrétaire Général de BPE.



Le quatrième rapport du Conseil national de productivité suggère l’introduction d’une taxe carbone sur les produits finaux de grande consommation,
compensée par une baisse des prélèvements obligatoires.

Dans son quatrième rapport publié le 23 octobre, le Conseil national de productivité revient sur la performance économique française de ces derniers mois, les effets de l’optimisation fiscale sur la productivité et les actions pour le climat qui lui paraissent nécessaires à l’atteinte des objectifs de transition énergétique.

Sur ce dernier point, le rapport est particulièrement approfondi et mérite une lecture attentive.

En premier lieu, le rapport indique :

« Les études […] suggèrent que l’impact à long terme de la transition climatique sur la productivité serait négatif (respectivement positif) sans (respectivement avec) une innovation technologique et des investissements adaptés ».

De plus :

« En ce qui concerne l’impact de la transition sur la compétitivité, il est fort probable que la profitabilité des entreprises françaises et européennes et leur compétitivité seront dégradées dans une première phase, dans un scénario où seuls ces pays mettraient en place des mesures suffisantes pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elles pourraient rebondir à l’aune de nouveaux investissements qui allieraient gains de productivité et baisse des coûts de production, à condition cependant que la base productive ne se soit pas trop dégradée dans la première phase de perte de compétitivité. »

Le rapport s’inscrit donc dans le consensus actuel pouvant être résumé ainsi avec d’autres mots : la transition énergétique nécessitant « forçage réglementaire » de l’économie (c’est-à-dire la mise en place d’incitations réglementaires pour modifier les modes de productions et de consommations « spontanés »), cette modification pilotée de trajectoire s’inscrit par nature dans un optimum économique dégradé, sinon, au contraire, les changements seraient spontanés.

Mais ce faisant, elle suppose un investissement majeur dont les effets à termes pourrait être positif sur la productivité et l’innovation. Au final, l’impact sur la croissance dépendra de la forme de cette « courbe en U » et pourrait être positif si l’étape de dégradation n’est pas trop destructrice au départ et celle de l’innovation se révèle in fine efficace en termes de productivité.

Orienter l’offre ou la demande, les outils de l’État

Pour ce faire, l’État dispose d’outils permettant d’orienter l’offre ou la demande vers un équilibre moins polluant (réindustrialisation, subventions, normes, etc.).

Le rapport suggère d’en développer un nouveau qui consisterait en une contribution carbone sur les produits de grande consommation finale en fonction de leur contenu carbone sur l’ensemble du processus de production, avec une hausse préalable des revenus des ménages afin de préserver leur pouvoir d’achat, tout en contribuant à une réduction des inégalités.

Une évaluation de l’impact de ces mesures le chiffre à une réduction des émissions de 19 % pour un taux de taxe de 100 euros la tonne carbone sur les produits agro-alimentaires pour un taux de taxe médian de 4,8 %. Et avec ces taxes appliquées aux autres produits finis de grande consommation, la contribution carbone pourrait contribuer à plus de la moitié de l’objectif de baisse des émissions carbone en orientant la demande vers des produits moins carbonés.

D’un point de vue théorique, l’internalisation du coût environnemental des émissions de CO2 dans les prix à la consommation qui revient à un principe pollueur / payeur, est à la fois « juste » et « optimal » en termes d’équilibre offre-demande. En pilotant le niveau de fiscalité, il permet de modifier cet équilibre dans le temps de manière progressive, ce qui en augmente l’acceptabilité côté consommateur et l’adaptation de la production côté offre.

La mise en place d’une contribution carbone sur les produits de consommation finale présente deux avantages :
  1. Elle permettrait de taxer les émissions sur l’ensemble de la chaîne de production sans pénaliser les productions locales puisque les biens et services importés y seraient soumis.
  2. Elle avantagerait les productions locales au contenu généralement moins carboné que les importations.
Pour éviter une hausse des prélèvements obligatoires, le rapport préconise une hausse du revenu (par exemple par la baisse des cotisations salariales et/ou hausse de certaines prestations et/ou baisse de la TVA).

Cette étude très intéressante parait aller dans la bonne voie, celle de la taxation des produits de consommation qui permettra l’internalisation des coûts cachés, une meilleure différenciation-prix et donc des incitations claires.

Pour autant, la proposition pourrait être utilement étendue.

En effet, le succès nous semble reposer sur trois points clé :
  1. La neutralité financière de la mesure
  2. Sa simplicité de mise en œuvre
  3. La capacité des consommateurs à faire des choix rendant la mesure acceptable
La neutralité financière est un objectif de la proposition du rapport. En revanche, la mise en œuvre via un mix fiscal (dont cotisations sociales) nous parait extrêmement complexe à mettre en place de prime abord, et à faire évoluer (car l’équilibre financier du système devra être mobile). La notion de choix et d’optimisation du consommateur semble respectée (capacité d’arbitrage entre produits) via la possibilité d’utiliser le surcroit de revenu entre produits de différents niveaux de taxation, le cas échéant en maximisant le pouvoir d’achat en renonçant à une proportion élevée de produits polluants.

En conclusion

La proposition fournit des éléments de discussions documentés permettant de faire progresser le débat.

Nous restons convaincus que la notion de « revenu de transition » est plus pertinente pour compenser le surcoût de la transition en général qu’un mix fiscal complexe et non directement visible par les bénéficiaires.

Une telle prestation généralisée serait calibrée pour couvrir la taxation carbone de l’ensemble des consommations (produits de grande consommation, mais aussi besoin de chauffage, de transports, etc.) mais aussi potentiellement les besoins de base (quantité d’eau/électricité minimum par personne par exemple, car la hausse des prix associée au choc d’offre de transition ne diffusera pas uniquement via les taxes carbones, mais aussi via les prix de production).

Financée par l’impôt et le regroupement de prestations existantes,
elle constituerait aussi un choc de simplification de l’aide sociale,
et son financement pourrait être aisément piloté.



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