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23.10.2023 - N° 1.428

Les zones d’exonérations fiscales et sociales territoriales :
25 ans de saupoudrage d’argent public

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Par Romain Delisle



La France, avec ses zones à fiscalité réduite, voulait
stimuler le développement économique. Mais le résultat ?
Un système onéreux et inefficace, et des entreprises toujours réticentes.

Depuis les années 1990, la création de zones spécifiques disposant d’une fiscalité plus avantageuse a été un moyen privilégié pour l’État de mettre en œuvre ses politiques de développement territorial. L’impact économique a été décevant, mais ces zones n’en ont pas moins été multipliées jusqu’à l’excès, formant maintenant une usine à gaz complexe, impossible à démanteler sans susciter beaucoup d’hostilité.

À la fin de l’année 2023, le dispositif des zones franches urbaines (ZFU), censées faciliter l’implantation d’entreprises dans les banlieues sensibles via une batterie d’avantages fiscaux, arrivera à son terme. Il s’inscrivait, en fait, dans une vaste entreprise de distribution d’argent public que l’histoire a choisi de retenir sous le nom de politique de la ville.

Depuis cette période, l’État est intervenu plus largement dans trois types de territoires défavorisés, en délimitant des espaces particuliers où les entreprises privées seraient incitées, par des allègements fiscaux, à s’installer. Hors outre-mer, il s’agissait des territoires en reconversion industrielle, de la ruralité avec les zones de revitalisation rurale (ZRR) et des zones de développement prioritaire (ZDP), les quartiers urbains criminogènes avec les quartiers prioritaires de la ville (QPV), ainsi que les ZFU déjà citées.

Notons, accessoirement, que l’ensemble des critères pour accéder au statut de ZDP a été forgé uniquement dans l’intention d’en faire bénéficier la Corse

Force est de constater que ce fut un échec.  La création de valeur ajoutée n’a pas massivement décollé dans les espaces ciblés et, lorsqu’il y en a eu, ce fut bien évidemment au détriment des zones dans lesquelles l’activité était localisée auparavant.

Un empilement de différents découpages réalisés sans cohérence globale

Il y a trois ans, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait évalué le coût minimum de l’ensemble de ces dispositifs à 620 millions d’euros (dont 179 millions d’exonération de charges sociales), un chiffre qui n’intègre pas les exonérations de taxes locales décidées par les collectivités elles-mêmes.

La gouvernance de cette politique publique est éclatée entre 7 administrations différentes (dont l’Agence nationale de cohésion des territoires, la Direction générale des Finances publiques, la Direction du Budget ou encore la Direction générale des collectivités territoriales), ce qui rend difficile le suivi des crédits publics.

Premier constat : la dépense fiscale a très largement bénéficié aux professions libérales individuelles (48 % de l’assiette de l’impôt exonéré) et créé assez peu d’emplois. Toujours selon l’IGAS, les professionnels de santé et les travailleurs sociaux, par exemple, ont concentré 32 % de l’assiette exonérée, contre seulement 5 % pour l’industrie manufacturière.

En plus d’un quart de siècle, aucune étude n’a pu démontrer un impact significatif de cette politique sur le développement des territoires

Dès 2011, l’Inspection générale des finances (IGF) avait noté le peu d’impact économique des ZRR et des ZFU.

Trois ans plus tôt, des chercheurs avaient même avancé, pour le coût d’un emploi créé ou maintenu en ZFU, le chiffre exorbitant de 31 500 euros. Ces constats auraient dû mener à l’extinction rapide de ces deux dispositifs, mais rien n’a bougé.

Dix ans plus tard, Jean-Noël Barrot, futur ministre du Numérique et alors simple député, arrivait aux mêmes conclusions dans un rapport : les incitations fiscales ne prévalent pas sur l’attractivité d’un territoire et, surtout en ce qui concerne les banlieues, sur son image auprès des chefs d’entreprise.

Dans les ZRR, seul 7 % des entreprises ont recours aux allégements fiscaux spécifiques. Les procédures administratives pour y accéder sont tellement complexes qu’elles préfèrent s’en tenir aux exonérations habituelles, plus simples à gérer. En somme, comme le note la Revue des dépenses publiques de 2015, ce type d’action publique crée surtout des effets d’aubaine, sans avoir d’impact économique réel à long terme.

En réalité, et c’est sans doute la principale raison de leur survie, ces dispositifs sont politiques et visent à ménager certains groupes sociaux qui pourraient manifester leur mécontentement dans les urnes ou dans la rue.

Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, cette manière de créer de la dépense fiscale menace le rendement de l’impôt, en mitant son assiette déjà fragilisée par les nombreuses niches qui érodent les recettes de l’État, et font pression à la hausse sur la fiscalité en général. Il faut donc recommander la rationalisation des exonérations fiscales territoriales, en les limitant clairement dans le temps ainsi qu’à des zones spécifiquement sinistrées. En revanche, il convient de laisser la liberté aux collectivités locales de mettre en œuvre les dépenses fiscales qu’elles souhaitent, pourvu qu’elles en soient responsables sur leurs propres deniers.

Enfin, il appartient de traiter les problèmes de fond qui ont conduit à ces situations :
  • la baisse des charges sociales et des impôts sur le capital doit être généralisée ;
  • les contrats de travail et les baux commerciaux, faire l’objet d’une réglementation plus souple ;
  • la sécurité des personnes et des biens dans ces zones à problèmes, garantie.
Une fois cela fait, les entreprises ne manqueront pas de se tourner vers des zones où coût de la main-d’œuvre et loyers sont avantageux (puisque l’activité y est plus faible).

Et ce sera d’autant plus vrai que les collectivités locales sauront maintenir
des services publics de qualité.

On n’attire pas des entreprises avec des cadeaux,
mais avec des conditions de travail intéressantes.


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