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14.03.2023 - N° 1.226 JO 2024 : la France médaille d’or de la surveillance dans l’UE
Par Justine Colinet Justine Colinet est secrétaire de rédaction. Elle vit à Bruxelles où elle a obtenu un bachelier en Relations ![]() Au nom de votre sécurité, même si l’efficacité des techniques concernées
est contestée, les mesures de surveillance sont de plus en plus intrusives et entrent dans la norme. Trente-huit organisations européennes et internationales1 ont publié une lettre à l’attention des députés de l’Assemblée nationale pour les convaincre de refuser le projet du gouvernement français de légaliser la vidéosurveillance algorithmique en France. Selon ces organisations, il s’agirait de la toute première légalisation de la surveillance biométrique en Europe, portant la France au titre de championne de la surveillance dans l’Union européenne. Comme de nombreux projets du gouvernement, celui-ci se dessine sous couvert de bonnes intentions. Ainsi, on instrumentalise le besoin de sécurité lors des Jeux olympiques 2024 de Paris pour faire accepter une mesure qui trotte dans la tête de nos gouvernants depuis longtemps. Les dangers de l’article 7 du projet de loi relatif aux Jeux olympiques 2024 À travers cette lettre, les 38 organisations soulignent le danger relatif à l’article 7 de ce projet de loi. On peut y lire notamment : «
À titre expérimental et jusqu’au 30 juin 2025, à la seule fin d’assurer
la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles,
qui, par leur ampleur ou leurs circonstances sont particulièrement
exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteinte grave à la
sécurité des personnes, les images collectées au moyen de systèmes de
vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 du
Code de sécurité intérieure et de caméras installées sur des aéronefs
autorisées sur le fondement du chapitre II du titre IV du livre II du
même code dans les lieux accueillant ces manifestations et à leurs
abords, ainsi que dans les moyens de transport et sur les voies les
desservant, peuvent faire l’objet de traitements comprenant un système
d’intelligence artificielle. »
Comme le souligne la Quadrature du Net qui relaie cette lettre de la société civile, cet article 7 « crée une base juridique pour l’utilisation de caméras dotées d’algorithmes en vue de détecter des événements suspects spécifiques dans l’espace public. » Cela signifie que « pour assurer la sécurité » de n’importe quel événement de grande ampleur, ou en cas de « risques d’actes de terrorisme », on autorise juridiquement l’utilisation d’une vidéosurveillance algorithmique intrusive. Cette mesure permet donc de piétiner des droits fondamentaux comme le droit à la vie privée, le droit à la liberté de réunion et d’association ou encore le droit à la non-discrimination. Le Comité européen de la protection des données et le Contrôleur européen de la protection des données ont déjà mis en garde Le 21 avril 2021, la Commission européenne a présenté sa proposition de règlement au Parlement européen et au Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle. Selon le Comité européen de la protection des données et le Contrôleur européen de la protection des données, la surveillance biométrique a de graves répercussions sur les attentes des personnes en matière d’anonymat dans les espaces publics. Elle a également a un effet négatif sur leur volonté et leur capacité d’exercer leurs libertés civiques car elles redoutent d’être identifiées, repérées ou même poursuivies à tort. En
l’état, cette mesure menace l’essence même du droit à la vie privée et
à la protection des données, ce qui la rend contraire au droit
international
et européen relatif aux droits humains. En juin 2021, le Comité européen et le Contrôleur européen de la protection des données concluaient le rapport comme suit : « Compte tenu de la complexité de la proposition et des problèmes qu’elle vise à résoudre, il reste beaucoup à faire pour que la proposition puisse donner naissance à un cadre juridique fonctionnel, complétant efficacement le RGPD en protégeant les droits de l’homme fondamentaux tout en favorisant l’innovation. » L’inefficacité de la vidéosurveillance À la demande du Centre de recherche de l’École des officiers de la gendarmerie de Melun, une étude a été menée par Guillaume Gormand, chercheur au Centre d’études et de recherche sur la diplomatie, l’administration publique et le politique. Selon cette étude : Les
résultats mettent en lumière une efficacité douteuse de la
vidéoprotection, du moins au regard de la finalité que lui assignent
les acteurs des politiques publiques de sécurité : prévenir la
délinquance et aider à la résolution des infractions.
Malgré cette efficacité toute relative, le gouvernement ne remet pas en question son projet de surveillance généralisée. La lettre publiée par les 38 organisations en conclut que ces restrictions de droits humains « constituent une violation des obligations incombant aux États en matière de droits humains en vertu de traités internationaux, et notamment du Traité international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention européenne des droits de l’Homme. » Vers une société de surveillance toujours plus généralisée et banalisée Au nom de la sécurité, comme ça a été le cas depuis les attaques terroristes, le gouvernement intègre les nouvelles technologies à ses projets de surveillance, portant toujours plus atteinte aux libertés publiques et à la vie privée des citoyens. Les mesures d’urgence se sont également multipliées au travers de la gestion de la crise covid. Nous l’avons souligné à plusieurs reprises, l’état d’urgence et les « mesures d’exception » permettent au gouvernement de normaliser et de pérenniser des privations de liberté tout en promettant un retour à la situation antérieure qu’on a du mal à apercevoir. Ici, au nom de votre sécurité, même si l’efficacité des techniques concernées est contestée, les mesures de surveillance sont de plus en plus intrusives et entrent dans la norme. Si conformément à l’article 7 de la projet de loi, l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique est légalisée à titre expérimental et jusqu’au 30 juin 2025, nos libertés seront encore une fois méprisées. Il
est grand temps de refuser ce premier pas vers une société où les
logiciels de surveillance automatisée deviendraient la norme.
1.Voici la liste des 38 organisations par ordre alphabétique : Access Now, International ; AlgoRace, Espagne ; AlgorithmWatch, Allemagne ; AlgorithmWatch CH, Suisse ; Amnesty International, International ; ApTI, Roumanie ; ARTICLE 19, International ; Association Nationale des Supporters, France ; Big Brother Watch, Royaume-Uni ; Bits of Freedom, Pays-Bas ; Centre for Democracy & Technology, Europe ; Chaos Computer Club Lëtzebuerg, Luxembourg ; Citizen D/Državljan D, Slovénie ; Civil Liberties Union for Europe, Europe ; Deutsche Vereinigung für Datenschutz e.V. (DVD), Allemagne ; Digitalcourage e.V., Allemagne ; Digitale Gesellschaft, Suisse ; Digitale Freiheit e.V., Allemagne ; Elektronisk Forpost Norge, Norvège ; Eticas Tech, Espagne ; European Center for Not-for-Profit Law Stichting (ECNL), Europe ; European Digital Rights, Europe ; Fair Trials, International ; Forum Civique Européen, France/Europe ; Football Supporters Europe, Europe ; Homo Digitalis, Grèce ; Human Rights Watch, International ; Irish Council for Civil Liberties, Irlande ; IT-Pol, Danemark ; Iuridicum Remedium, République tchèque ; Liberty, Royaume-Uni ; Panoptykon Foundation, Pologne ; Privacy International, International ; Privacy Network, Italie ; Share Foundation, Serbie ; Society Vrijbit, Pays-Bas ; Statewatch, Europe ; Today is a new day/Danes je nov dan, Slovénie.
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