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16.01.2023 - N° 1.170 Euthanasie : pourquoi tant d’incompréhension ?
Par Patrick Aulnas Diplômé d’études supérieures de droit public, ancien professeur agrégé d’économie-gestion, Patrick Aulnas est aujourd'hui blogueur et essayiste. ![]() Alors qu’une législation autorisant l’euthanasie et/ou le suicide assisté
a été adoptée dans de nombreux pays, l’extrême timidité de la classe dirigeante française sur ce sujet interroge. Pourquoi une petite minorité de militants très actifs s’oppose-t-elle avec tant d’acharnement à l’euthanasie et au suicide assisté ? Ce n’est pas vraiment un mystère puisqu’à chaque évolution sociétale (contraception en 1967, IVG en 1975, PACS en 1999, mariage pour tous en 2013, PMA élargie en 2021) nous assistons à la même tragicomédie jouée par des opposants très minoritaires. À chaque fois, il s’agirait selon eux d’un pas gravissime franchi vers l’inconnu, d’une atteinte à des principes moraux anciens et intangibles. Un acharnement antidémocratique Il n’est pas question ici de revenir pour la énième fois sur les arguments et contrarguments des partisans et opposants à l’euthanasie dite active, mais de tenter de situer la parole des opposants. D’où parles-tu ? Qui représentes-tu ? Eu égard au caractère ultraminoritaire des oppositions à l’euthanasie et au suicide assisté, il ne peut s’agir que de personnes n’accordant pas une importance majeure aux principes de base de la démocratie, en particulier la loi de la majorité. Les sondages sont depuis des années tous concordants : plus de 90 % des Français, et en tout état de cause au moins 80 %, sont favorables à cette liberté nouvelle. Les opposants contestent la validité de ces sondages avec quelques arguties. Mais leur nombre, la concordance et la permanence dans le temps des résultats ne permettent pas de douter de l’orientation de l’opinion dans ce domaine. Nul doute que cette opinion publique n’est pas toujours fondée sur la rationalité et que l’émotivité joue un rôle, surtout lorsqu’il s’agit de la maladie et de la mort. Mais il n’y a là rien de spécifique : l’opinion publique est toujours déterminée tout autant par des facteurs émotionnels que rationnels. Il s’agit donc bel et bien, en toute conscience, de s’opposer à la volonté d’une écrasante majorité de citoyens, de leur interdire d’accéder à une liberté de choix face à la mort. Là encore, pas de véritable surprise. Les opposants sont regroupés en associations proches des milieux les plus conservateurs, voire réactionnaires, du catholicisme. Les musulmans ou les juifs traditionnalistes sont évidemment sur la même ligne idéologique. Ces ultraconservateurs n’ont jamais éprouvé un amour immodéré pour la liberté ni même pour la démocratie et le principe de majorité. In petto, leur sentiment profond est que les principes traditionnels issus de la religion sont supérieurs aux lois votés par les Parlements. Ils défendent avec acharnement ces principes. En l’espèce, leur approche consiste à penser ou plutôt à croire que la vie et la mort des êtres humains relèvent de la volonté d’une divinité et non de la liberté des Hommes. On comprend alors que le fait d’aider une personne qui le souhaite à quitter la vie soit perçu comme une atteinte majeure à la sacralité de la vie. Ces traditionnalistes ne comprennent probablement pas que pour un athée ou agnostique, un tel geste, sans aucun doute très difficile à accomplir, représente un ultime témoignage d’amour et de respect de la libre volonté d’une personne. Électoralisme de droite, hypocrisie de gauche Alors qu’une législation autorisant l’euthanasie et/ou le suicide assisté a été adoptée dans de nombreux pays (Belgique Suisse, Pays-Bas, Luxembourg, Canada Colombie, Oregon, Californie, etc.), l’extrême timidité de la classe dirigeante française sur ce sujet interroge. L’expérience existe et n’a entraîné aucune difficulté majeure, aucun bouleversement dans la société, aucun abus du fait même de l’encadrement extrêmement strict de l’assistance à mourir. Alors, pourquoi tant d’hésitations en France, pourquoi tant de controverses déjà mille fois abordées ailleurs ? L’aspect purement électoraliste toujours minutieusement observé par les politiciens professionnels ne concerne vraiment que la droite. Elle risque de perdre un nombre d’électeurs sans doute assez faible mais significatif eu égard aux faibles différences de nombre de voix entre les candidats. La prudence de droite peut donc être intéressée, purement politicienne. Bien que l’électorat de gauche soit, lui, massivement favorable à une évolution de la législation, la présidence de François Hollande (2012-2017) n’a fait qu’un pas de clerc dans ce domaine avec la Loi Léonetti (2016) autorisant la « sédation profonde et continue », c’est-à-dire l’endormissement définitif et profond du patient et l’arrêt des soins. Pour beaucoup de personnes favorables à l’euthanasie, il s’agit de la dernière torture possible médicalement. Pourquoi ne pas délivrer le patient, s’il le souhaite, d’une vie qui n’en est plus une ? Pour de pures raisons idéologico-religieuses bien évidemment. Accepter la sédation profonde, c’est en réalité aujourd’hui en France souhaiter quitter la vie sans le pouvoir. Quelle épouvantable hypocrisie ! Mutation anthropologique ? Le thème du changement anthropologique a souvent été évoqué par les opposants à l’euthanasie. Ce thème fait l’objet de débats universitaires mais dans un cadre beaucoup plus large. Simple dans son principe, la question peut mener à des développements complexes et très hypothétiques. Voici. L’évolution extrêmement rapide de nos sociétés depuis un siècle conduit-elle à l’apparition d’un nouveau type d’individu ? Sommes-nous en présence d’une évolution en profondeur de l’espèce humaine par rapport à ce qu’elle était durant les siècles passés ? Pour traiter le sujet il faut aborder ses aspects économiques (élévation considérable du niveau de vie en Occident), politique (la démocratie), technologiques (la numérisation de l’information, les biotechnologies, etc.) psychologiques, sociologiques, etc. Si le problème de la fin de vie (liée en partie à la technologie médicale car auparavant on mourait rapidement) fait bien partie du sujet de l’éventuelle mutation anthropologique, il n’en est qu’un aspect très particulier. Prétendre qu’à elle seule la possibilité de finir sa vie librement avec l’aide d’autrui représente un bouleversement anthropologique relève du mensonge ou du fantasme d’idéologues en mal de justifications conceptuelles. Crispation et pusillanimité La crispation conservatrice face une liberté nouvelle ne surprend pas. Mais la pusillanimité de tous les gouvernants français étonne car ils semblent hésitants face à une population déterminée. L’étonnement est d’autant plus grand que de multiples expériences étrangères peuvent être analysées. De toute évidence, nous n’irions pas vers l’inconnu
ni vers un changement majeur comme aiment à le croire les opposants.
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