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11.11.2022 - N° 1.099 Nous avons oublié la Première Guerre mondiale mais nous portons encore le deuil
Par Daniel Hannan Daniel Hannan est écrivain et journaliste, et eurodéputé conservateur pour le Sud-Est de l'Angleterre depuis 1999. Il parle français et espagnol et aime l'Europe, mais croit que l'UE appauvrit les nations qui la constituent, et les rend moins démocratiques et moins libres. Il a gagné le Bastiat Award pour le meilleur journaliste en ligne. ![]() La génération qui pleure ses fils a disparu. Bientôt, ils ne seront plus qu’une part de l’Histoire. Pourtant, nous nous souviendrons d’eux. Chaque
année je trouve le 11 novembre plus triste encore que l’année
précédente. C’est en partie parce que je deviens sentimental – je
trouve de plus en plus difficile de réciter une poésie sans trémolos
dans la voix – mais c’est surtout parce que ceux qui sont tombés sont
désormais plus proches de l’âge de mes enfants que du mien.
Quand j’étais petit garçon, comme le sont les petits garçons, j’étais instinctivement pro-guerre. Aux environs de onze ou douze ans, j’ai commencé à lire les premiers poètes de la Première Guerre mondiale mais j’étais toujours principalement attiré par les éléments héroïques de leurs écrits, leur endurance dans des circonstances monstrueuses. Plus tard, à l’adolescence, la question de savoir si la Grande-Bretagne aurait dû s’impliquer (je pense maintenant qu’elle n’aurait probablement pas dû, mais c’est un débat difficile à trancher) me taraudait. Maintenant, je trouve toute cette histoire presque trop mélancolique pour en parler. Une Cérémonie du Souvenir était organisée à l’école de mes enfants vendredi matin. Nous avons chanté des hymnes familiers, récité des mots familiers et les anciens élèves tombés au front furent nommés. Une petite école, une longue liste : plus de 120 morts. Pour chaque neuf garçons qui ont répondu à l’appel, deux ne sont pas revenus. Dans la liste, j’ai remarqué ce qui semblait être deux séries de trois frères : deux fois trois télégrammes à deux mères qui attendaient impuissantes. Regarder les enfants rassemblés pendant que l’énumération des noms continuait était presque insupportable, plusieurs parents avaient les larmes aux yeux. Un ancien élève de l’école y était revenu en tant que professeur, puis en était devenu le directeur. Il avait connu presque chacune des victimes de l’école de la Grande Guerre, soit en tant que camarade de classe soit en tant qu’ancien élève : en moyenne, un mort tous les douze jours pendant quatre ans et quart. Nous ne sommes pas faits pour un deuil d’une telle ampleur. L’enseignant qui a prononcé le discours nous a dit quelque chose dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Il y a 53 Villages-Reconnaissants au Royaume-Uni : des villages où il n’y a pas de mémorial de guerre parce que chacun de ses jeunes gens est revenu vivant. Quand on pense qu’il y a plus de 16 000 villages dans le pays, on entrevoit l’ampleur de la tragédie. « Tragédie » est, pour une fois, un mot tout à fait adapté, car la tragédie peut être ressentie par procuration. Ce n’est pas simplement qu’il ne reste presque plus de vétérans de la Première Guerre mondiale, c’est que presque personne parmi nous ne se souvient avoir perdu des amis ou de la famille dans cet enfer. Bien sûr, d’autres sont tombés dans les conflits ultérieurs et nous leur rendons hommage. Mais, alors que nous approchons du centenaire de la Grande Guerre, notre tristesse est une tristesse de seconde main. Cependant, ne faites pas l’erreur de penser que cela en fait une contrefaçon. Comme les tragédiens grecs l’avaient bien compris, nos émotions peuvent être provoquées par l’expérience d’un autre. Les rituels du 11 novembre – le silence, les prières, les mots de Laurence Binyon – sont apparus pour consoler les familles endeuillées. Un siècle plus tard, ils déclenchent, chez nous qui sommes des générations suivantes, la catharsis, au sens strict du terme : le sentiment d’être vidé et nettoyé par la libération émotionnelle. La génération qui pleure ses fils a disparu, puis ce fut au tour de celle qui pleura ses camarades, puis de celle qui pleurait ses pères, s’accrochant peut-être à des bribes de souvenirs d’enfance. Ensuite, ceux qui sont tombés sont devenus des visages sur des photographies jaunies. Maintenant,
ce sont des noms sur des arbres généalogiques. Bientôt, ils ne seront
plus qu’une part de l’Histoire. Pourtant, nous nous souviendrons d’eux.
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