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10.10.2022 - N° 1.072 Plan de sobriété énergétique : un agenda inversé
Par Philippe Charlez Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris. Il est expert à l'Institut Sapiens. ![]() En termes de sécurité industrielle, les progrès reposent d’abord et avant tout sur une reconnaissance et une analyse des erreurs passées. Au
cours d’une séance fleuve de près de trois heures au Parc des
Expositions de Paris, le gouvernement a dévoilé ce jeudi 6 octobre son plan de sobriété énergétique.
Des prescriptions pour les administrations et les entreprises aux incitations pour les particuliers, les discours d’Élisabeth Borne et de ses principaux ministres ne sont pas sans rappeler les interventions lénifiantes de Jean Castex et d’Olivier Veran durant les confinements de 2020 et 2021. Hormis que « lavez-vous les mains et portez votre masque sur le nez » ont été remplacés par « mettez un col roulé, réduisez la durée de votre douche et baissez la température de votre logement à 19° ». Le télétravail va également revenir en force : le « confinement pandémique » que nous avions connu durant les pandémies de ces deux dernières années risque-t-il de se transformer cet hiver en « confinement énergétique » ? Allons-nous voir réapparaître sous une forme similaire des attestations de sortie et l’interdiction de circuler dans un périmètre restreint à quelques kilomètres ? Rien n’est moins sûr ! Pas besoin d’une séance de trois heures pour comprendre qu’il est impératif d’optimiser notre consommation d’énergie : nous avions sur le site de l’Institut Sapiens publié dès juillet dernier une liste de 20 gestes écoresponsables dans le logement et les transports. Quant à la réduction de la consommation dans le tertiaire public et privé, elle représente effectivement un gisement très significatif d’économies. Alors que le tertiaire est occupé moins d’un tiers du temps, en revanche, il est énergétisé 81 % du temps. Éclairage permanent, surchauffage l’hiver ou surclimatisation l’été il y a effectivement beaucoup à gagner. Dans L’Utopie de la Croissance Verte un paragraphe entier est consacré au sujet. On y démontre qu’en réduisant le taux d’occupation énergétique de 81 % à 50 %, on peut économiser jusqu’à 90 TWh d’énergie. Mais en dehors de comportements écoresponsables, cela nécessite quelques travaux de domotique qui pour la plupart n’ont pas été réalisés. Gouverner c’est prévoir dit-on : ce n’est malheureusement pas le fort des politiques obligés aujourd’hui de soigner un cancer généralisé avec de l’aspirine. Il y a dans la « liste à la Prévert » gouvernementale un point sur lequel il est indispensable de s’arrêter : l’objectif de réduction de la consommation énergétique. Les chiffres les plus fous ont circulé : l’Allemagne parle de 15 % en un an, la France de 10 %. Dans son discours, la Première ministre Élisabeth Borne semble avoir révisé ses ambitions à la baisse avec 10 % sur deux ans. Peu importe, ces chiffres représentent une fois de plus un agenda inversé dont les politiques sont friands. Car ce n’est ni en réglant son chauffage à 19° ni en télétravaillant qu’on réduira la consommation du pays de 10 points. En 20 ans, grâce à la technologie et aux évolutions lentes des comportements, la consommation d’énergie en France a été réduite de 19 % soit en moyenne de 1 % par an1. Par ailleurs l’année horribilus 2020 s’est soldée par une récession économique de 7 % associée à une réduction de la consommation d’énergie de 10 %. Alors que Bercy n’a rien publié à ce jour quant aux conséquences économiques du plan de sobriété gouvernemental (il a juste abaissé sans autre précision sa prévision de croissance de 1,4 % à 1 % pour 2023), la fondation iFRAP a réalisé une étude détaillée d’impact. Dans l’Opinion Agnés Verdier-Molinié indique justement : «
Pour arriver à -10 % de consommation d’énergie, il faudra arrêter la
production de nombre de nos usines… Lorsque les entreprises produisent
moins,
que les Français consomment moins d’énergie et se déplacent moins, cela a un effet sur la croissance. » Selon cette étude, une réduction de 10 % (soit environ 170 TWh) de la consommation d’énergie l’hiver prochain se traduirait au mieux par une récession de 1,3 % alors qu’en l’étalant sur deux ans cette récession ne serait que de 0,5 %. Si ces chiffres paraissent bien optimistes par rapport à ce qui avait été enregistré durant le premier confinement, une chose est certaine : ce que madame Borne nous présente comme un plan de sobriété choisi est bel et bien un plan de rationnement qui se fera dans la douleur ! Qu’importe rationnement ou sobriété s’il s’agissait réellement d’un effort partagé au nom d’une noble cause comme le ressasse chaque jour la Première ministre : « Défendre la démocratie en supportant l’Ukraine contre la Russie et combattre le réchauffement climatique ». Le grand Winston Churchill n’avait-il pas embarqué son peuple en lui promettant « du sang, de la peine, de la sueur et des larmes ». Mais on sait qu’en filigrane du discours moralisateur d’Élisabeth Borne se cachent 20 ans de carence politique et d’errements énergétiques. Vingt années au cours desquelles notre filière d’excellence nucléaire a été progressivement décimée sous la houlette d’écologistes irresponsables nous faisant croire à un 100 % renouvelable pour nous emmener de façon insidieuse vers la décroissance économique. Vingt années d’errements auxquels l’exécutif actuel a largement contribué en abandonnant le projet ASTRID, en décrétant en 2019 l’arrêt définitif de 12 réacteurs nucléaires et en ordonnant en 2020 la fermeture de la centrale de Fessenheim. Vingt années d’errements en n’ayant pas voulu entrevoir qu’une crise gazière pourtant évidente se profilait sous nos yeux. Mais surtout 20 années au cours desquelles il n’y a jamais eu le moindre mea culpa de l’exécutif. En termes de sécurité industrielle, les progrès reposent d’abord et avant tout sur une reconnaissance et une analyse des erreurs passées. Sans
ce minimum de repentance personne ne vous suivra et aucun progrès ne
sera possible. N’en déplaise à madame la Première ministre,
la politique n’échappe pas à la règle. 1 - Source : BP statistical review 2022
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