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24.05.2022 - N° 934 Hôpital public : l’État technocratique continue son travail de démolition
Par Denis Dupuy Denis Dupuy est chirurgien libéral épris de liberté. Il est l'auteur de « Morphine, Bistouri et Autres Emmerdements », de « Tumulte et Submersions » et de « Le bien, le mal et l’ordinaire ». ![]() Depuis le covid, pilotée avec le brio que l’on sait,
les agences ont gagné encore plus de pouvoir. L'hôpital
? Suradministré ? La France entière l’est et pas d’hier et le
positionnement très à gauche du président ne laisse rien augurer
d’encourageant. Un fonctionnaire supplémentaire implique trois chômeurs
de plus dans le secteur privé, selon le calcul de l’infaillible Charles Gave
et j’apprends que le taux de croissance de la France bénéficie du
nombre d’agents d’État, selon un énième arrangement avec les
statistiques.
Au-delà d’un certain seuil largement dépassé, tout impôt supplémentaire implique travail dissimulé, chômage et exil. Pourtant, depuis 40 ans, la gauche et la technocratie, en général, n’ont que ces solutions à proposer, des impôts et des emplois publics. Convenons que la droite n’a pas brillé par ses alternatives. Persuadés, je suppose, d’œuvrer pour un État stratège qui n’est en réalité qu’un frein et un parasite, les fonctionnaires se sentent, hélas, obligés de justifier leur présence. La Santé en ruines Alors que le pays s’appauvrit en conséquence des positionnements cités, reflétant d’évidence une stratégie de haute volée, la santé n’échappe pas au massacre. La rue de Ségur a la réputation d’accueillir les derniers du classement de l’ENA mais j’avoue que les premiers ne me rassureraient guère plus. À l’occasion d’un passage télé, le brillant professeur Mejean a listé le nombre hallucinant d’agences en charge de la santé. Toutes n’entreraient pas ici. Par exemple, les fameuses Agences Régionales de Santé se sont distinguées à l’occasion de la crise du covid : interdictions d’opérer, lits réservés au cas où et au doigt levé, transferts de patients totalement baroques, laissant à l’écart des structures privées dont les tarifs sont en gros deux fois moins élevés que ceux du public (T2A). Résultat : 3 à 5 % de mortalité et de morbidité supplémentaires par spécialité, la psychiatrie au bord de la crise et une profession démoralisée. Évidemment, les remarques soulevées alors par les professionnels sur la balance bénéfice/risque sont restées lettre morte. Il apparaît aujourd’hui que des pays comme la Suède avaient finalement opté pour les bons choix. Chaque jour, nous recevions des kyrielles de missives, de la Haute Autorité de Santé, des ministères et des innombrables officines, de l’Ordre… Comment, médecin, après onze années d’études, pensez-vous que sont accueillis les ordres de fonctionnaires, alors que nous savons pertinemment qu’ils sont inadaptés ? Et les affaires ont repris, les annonces apocalyptiques de la présidence s’étant révélées bien évidemment totalement infondées. Là encore, qui a écouté les confrères ? Nous frôlerions les 400 000 morts en novembre 2020, selon le président de l’État stratège… Depuis le covid, dont la crise a été pilotée avec le brio que l’on sait, les agences ont gagné encore davantage de pouvoir. Elles sont allées jusqu’à se croire compétentes en thérapeutique, contre-indiquant telle ou telle molécule. Peu importe que ces dernières aient été ou non adaptées. Les agences n’étaient pas dans leur rôle ou bien alors j’ai le droit de produire des Cerfa. Chaque année, de nouvelles contraintes inutiles viennent s’ajouter aux précédentes. Depuis les années 1990 les urologues ont ainsi posé des milliers de bandelettes pour incontinence mais ils doivent maintenant en référer aux autorités non compétentes que sont les ARS avant d’œuvrer. Le médecin doit obéir, dans une ambiance pesante de haine de classe. Durant les années 1980 les chefs de service hospitaliers ont été privés de leur pouvoir dans une atmosphère tout aussi détestable. C’étaient les mandarins, ces ignobles privilégiés. On a mis à leur place des gestionnaires et des tableurs, avec le succès que vous observez. À cette époque, l’État a décidé qu’il était impossible que les urgences soient assurées par les médecins généralistes. Seul l’hôpital public convenait. Vous pouvez aujourd’hui admirer le résultat de la manœuvre et Marie-Sol Touraine, ministre de la Santé très socialiste, proche de Terra Nova, a œuvré afin qu’il en soit de même en cancérologie, domaine pour lequel la collaboration privé/public est excellente. Les services publics ne souhaitent nullement récupérer l’activité de cancérologie mais tant pis. Tant pis pour les patients dans l’hypothèse de listes d’attente. Je suppose que la gestion financière en sera facilitée. La crise sanitaire n’a fait qu’aggraver les choses Le covid a été la goutte de trop, quand le système avait digéré les épidémies de 1957-58 et 1969-70 sans sourciller. Tout d’abord, les infirmières ont démissionné en masse. Elles travaillaient 7 ans en moyenne jusqu’alors mais sont passé à 5 années. D’héroïnes, mères, maîtresses et sœurs dans les cœurs en 14-18, elles sont aujourd’hui devenues des agents. Leurs salaires sont trop bas, leurs conditions de travail indignes. L’hôpital, comme les cliniques des grands groupes financiers, a appliqué les méthodes de gestion des grandes surfaces aux structures de soins et les pauvres infirmières doivent se montrer à même de passer de la cardiologie aux urgences et du jour à la nuit. Des pions… Confrontées au manque de personnel, infirmier et aide-soignant, les ARS doivent maintenant fermer des structures dans la plus absolue confusion. pour l’État français le rationnement est une forme d’accomplissement : le voilà comblé pour des années. Cela nous vaudra bien quelques fonctionnaires et agences supplémentaires. Ici, ce sont les soins de suite et de réadaptation, et nos surveillantes s’arrachent les cheveux : comment opérer si les patients n’ont pas de solution à leur sortie ? Pire, à Bordeaux ce sont les services d’urgences. Que ceux qui vantent les compétences des ARS aillent s’y faire soigner, pour voir. Départs, arrêts de travail, conséquences de la crise covid : ce sont 40 % des urgentistes qui font défaut. Là encore, on est passé près de la grève, après que le ministre Veran a réformé les tarifications d’un système privé indispensable au roulement, voilà quelques semaines. À Bordeaux et ailleurs, le temps d’attente augmente, et donc le risque d’accident, et après deux années de galère, les patients perdent patience. C’est le bazar généralisé… Je vous le concède : le pouvoir actuel n’a pas créé le problème, conséquence d’années d’incurie mais les solutions qu’il adopte sont précisément celles qui y ont mené. La folie interventionniste détruit l’hôpital On dira que je suis vieux et que je me lasse. Mais voir ce système, premier au monde en 1980, aujourd’hui au-delà du dixième rang, se délabrer de la sorte, me navre. Et puis je suis un futur patient. Pour le moment, le système fonctionne grâce à la conscience professionnelle d’acteurs que l’État entend soumettre à sa folie interventionniste mais ne rêvons pas. Comme dans les pays pauvres, lesdits acteurs baisseront les bras et songeront de plus en plus souvent : « tant pis, j’ai moi aussi des problèmes et des mois difficiles. » Je n’aime pas me montrer pessimiste mais, d’évidence, la crise économique va frapper plus fortement en France qu’ailleurs. Les dépenses accordées par le président ont frôlé le délire. Le risque avait été largement amplifié par le ministère de la Santé et asphyxier le pays n’était pas la solution. Selon certains syndicalistes, certaines cliniques ont même préféré percevoir les subsides et interdire aux confrères d’opérer, prétextant un courrier des ARS qu’elles n’avaient jamais adressé : il était plus rentable de procéder de la sorte. Dans ce marasme, un petit signal libéral, que les autorités ne capteront pas, a brillé dans les ténèbres. Six milliards d’euros ont été facturés pour des tests PCR largement injustifiés. Les sommes ont été encaissées par des laboratoires alors que le personnel s’épuisait à enchaîner les procédures imposées par l’État. Les structures se sont équipées en séquenceurs. Les équipes ont amélioré leurs pratiques. Le séquençage va donc largement progresser en France. Pour une fois l’argent public sera utile aux citoyens qui l’ont produit, plus particulièrement en cancérologie. Ce pays de fonctionnaires a largement montré ses insuffisances. Voir à sa tête un pur produit de la tristement célèbre technocratie française, de surcroît de gauche, n’augure rien de bon. Il faudrait dix bonnes années à un libéral pour réduire la fonction publique, assainir la fiscalité, redonner de la marge aux entrepreneurs, libérer la pression phénoménale appliquée sur les professions libérales, qui conduit de nombreux confrères au salariat. Me concernant, c’est acquis : je ne connaîtrai aucun revirement favorable. J’espère
au moins ne pas m’éteindre en solo, oublié sur le chariot d’un service
d’urgence en surchauffe, un méchant soir en France socialiste.
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