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10.05.2022 - N° 920 En route pour la planification écologique !
Par Jacques Garello ![]() Jacques Garello, est Professeur Émérite à l’Université Aix Marseille, Président d’honneur de l’ALEPS, directeur de la publication de la Nouvelle Lettre (www.Libres.org). Dernier ouvrage paru : « Le Vote Libéral », Libréchange éd., septembre 2016. ![]() Qui
oserait s’élever contre la planification écologique d’Emmanuel Macron
puisqu’il est aujourd’hui installé comme Président de la République
Française ?
Quand
il a prononcé devant quelques rares partisans son discours de
Marseille, on pouvait supposer qu’Emmanuel Macron se laissait aller à
une « grosse blague », comme on dit précisément à Marseille. La
démesure de son propos était excusable car il devait infléchir son
discours vers la gauche puisque la cité phocéenne était entièrement
acquise à Mélenchon. D’ailleurs les critiques ont relevé que
l’expression « planification écologique » était de Mélenchon lui-même !
Mais les choses se sont aggravées et il semblerait que le grand projet de ce quinquennat serait bien la planification écologique, mission dont serait investi le futur Premier ministre, avec deux autres ministres pour le seconder, l’un chargé de l’énergie, l’autre de la protection de la nature. Donc, il faut prendre finalement au sérieux le projet du deuxième quinquennat : « la politique de la France sera écologique ou ne sera pas » (Marseille toujours). Pourquoi parler d’aggravation ? Parce que tous les ingrédients d’une révolution totale et totalitaire pourraient être réunis. La planification a partout et toujours été un échec, pour des raisons que les économistes ont démontrées depuis des lustres. Mais cet échec est coûteux, socialement et politiquement. Enfin, appliquée à l’écologie, la planification est nécessairement totalitaire. Pourrons-nous réagir ? L’échec de la planification Lorsque les premiers plans ont été mis en œuvre par Lénine les résultats ont été si mauvais que Lénine a dû revenir à une « Nouvelle Économie Politique » (NEP), c’est-à-dire à un certain retour à la liberté économique. Bien mal en a pris à ceux qui ont joué le jeu : les Nepmen rapidement enrichis parce qu’ils écoulaient facilement leurs produits ont été vite expropriés, arrêtés, déportés. Mais dans ces années 1930 une controverse théorique s’est nouée entre les partisans de la planification (Abba Lerner) et les défenseurs de l’économie de marché (Mises et Hayek). Les libéraux ont facilement expliqué ce qui ne pouvait fonctionner dans un système planifié : comment connaître les préférences des consommateurs, comment gérer les ressources productives, comment répartir les fruits de la production ? Avec le plan, ces informations ne peuvent être réunies et circuler vers ceux qu’elles concernent. En fait, la solution ne peut venir que d’une autorité centrale : le plan est le fruit d’un arbitrage politique gouvernemental, il ne peut traiter que de perspectives macro-économiques, dont les chiffres seront artificiels. De plus les planificateurs se prévalent d’avoir une vue sur l’avenir économique et dénoncent « la myopie du marché », mais la réalité est à l’inverse : les dirigeants n’ont pour véritable horizon que la pérennité de leur pouvoir. Par contraste, l’économie de marché est fondée sur une information micro-économique permanente : c’est « le plébiscite quotidien du marché » qui s’exprime à travers les prix et les profits relatifs, qui signalent les déficits et les excédents et invitent les producteurs à s’adapter aux préférences des consommateurs. Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à l’échec de la planification globale, sous toutes ses formes. Cela a été mesuré dès le début avec les plans quinquennaux soviétiques, mais confirmé par les planifications plus souples, dites « indicatives » comme celles que la France s’est donnée à partir de 1946 : aucun des quatorze plans n’est allé à son terme ! La planification, qui devait engendrer le développement des pays du tiers monde, à commencer par les pays africains et l’Inde, a été abandonnée. Il aura fallu l’ouverture au marché mondial pour qu’ils « émergent » enfin. Le coût social de la planification Précisément la comparaison entre pays voisins dont l’un était planifié et l’autre marchand a été sans appel : la RFA par opposition à la RDA est le meilleur exemple. Les écarts ne se mesurent pas seulement en chiffres du PIB par habitant. C’est dans la répartition des maigres fruits de la production que se marquent les différences : des classes dirigeantes largement nanties et le peuple réduit à la misère. Une autre mesure est révélatrice, celle de l’aide internationale qui est allée essentiellement aux pays planifiés, mais là encore ce sont les dictateurs qui en ont bénéficié. On sait que s’est installé « le socialisme helvéto-africain » : l’argent généreusement adressé aux peuples africains s’est retrouvé dans les comptes en banques suisses des dictateurs. Les oligarques russes dont on parle beaucoup aujourd’hui se sont enrichis des dépouilles de l’économie soviétique. Le coût politique de la planification Ce coût est simple et évident : c’est la servitude et la trahison de la démocratie. En effet, d’où vient l’autorité des planificateurs ? Des gouvernements qui les nomment, mais qui définissent aussi les objectifs majeurs du plan. Comme l’expliquait Georges Marchais, expert en démocratie : « La démocratie politique soutient et garantit la démocratie économique ».
Puisque les dirigeants sont régulièrement élus (et au-dessus de tout soupçon, naturellement), c’est bien la volonté du peuple qui se retrouve dans le plan. Qui oserait s’élever contre la planification écologique d’Emmanuel Macron puisqu’il est aujourd’hui installé comme président de la République française ? Dans un pays planifié le producteur et le consommateur n’existent plus, seuls existent les citoyens, ou plus précisément les électeurs. Encore faut-il préciser qu’il s’agit des électeurs majoritaires, même s’ils sont largement minoritaires dans le corps électoral. Il n’y a désormais aucun pouvoir de contrôle de l’État, et des choix économiques qu’il fait. Ces choix arbitraires peuvent d’ailleurs être modifiés au gré des calendriers électoraux, dans les pays où les élections sont réellement libres. Le peuple souverain n’a qu’à se plier aux décisions de ses représentants, en général peu représentatifs. Il est d’ailleurs frappant de constater que les prémisses de la planification écologique sont apparues chez nous avec les Conventions Citoyennes (dont la première était pour le Climat), organismes démocratiques particuliers puisque les conventionnels étaient tirés au sort. C’est ce qu’Emmanuel Macron a baptisé « la démocratie délibérative ». L’aboutissement de cette démocratie est le décret du prince, venu couronner les 150 conclusions de la CCC (à une exception près, celle du crime d’écocide). Dans ces conditions, quel est le rôle du Parlement ? L’écologie totalitaire La planification française, supprimée en 2006, après soixante ans de bons et loyaux services, a laissé quelque trace dans l’administration française : d’abord avec France Stratégie, organisme destiné à gérer les investissements publics, ensuite avec la nomination en 2017 d’un Haut-Commissaire au Plan, en la personne de François Bayrou. Sans nul doute cette planification et ce Haut-Commissaire n’ont-ils qu’un intérêt politique, et n’ont d’autre effet néfaste et durable que d’alourdir les dépenses publiques. Il n’y a donc pas à s’en inquiéter, ce n’est qu’un gaspillage de plus. En revanche, la planification écologique est toute autre chose. Si l’on consulte les 150 conclusions du CCC, on a une idée de l’impact d’un plan écologique sur la vie et la liberté des Français. Comme dans la planification soviétique, mais avec un langage plus fleuri, les objectifs sont bien étudiés. Il y a cinq thèmatiques :
La liste des innovations fortes est impressionnante : emballage, publicité, recyclage, reconversion des entreprises (avec bilan carbone), contre l’usage de la voiture en solo, pas de voiture individuelle, « retour fort à l’usage du train », limiter les effets néfastes du transport aérien, rénovation énergétique globale des bâtiments, lutte contre l’étalement urbain, alimentation saine, moins animale et plus végétale, restauration collective « plus vertueuse », agriculture durable grâce à l’aide de la Politique Agricole Commune… Voilà du solide, et en effet il ne faudra pas moins de trois ministres pour mener à bien cette planification. La vraie dimension de cette odyssée se mesure déjà. La lutte contre l’automobile est parachevée dans beaucoup de villes, les cantines scolaires deviennent vertueuses dans beaucoup de villes, la loi sur la rénovation énergétique va priver le parc immobilier français de 5 millions de logements, les maisons individuelles doivent disparaître (Madame Wargon). Le tout est évidemment objet de bureaucratie, de contrôles, de pénalités ou au contraire d’aides sans fonds. L’écologie est totalitaire et collectiviste puisqu’elle poursuit une mission d’importance, qui va bien au-delà des caprices personnels et de l’obsession de l’argent : sauver la planète (en moins de trois ans), sauver les espèces et les essences en voie de disparition, sauver les océans. Décarboner est une affaire de chaque instant, de chaque citoyen. Les enfants eux-mêmes doivent être éduqués en ce sens, dès le premier âge. Pourrons-nous réagir ? On peut se demander comment des écologistes peuvent diriger un pays alors qu’ils ne représentent qu’une infime minorité du peuple. À l’occasion des municipales, ils ont conquis de nombreuses grandes villes, dont Lyon, Bordeaux, Marseille. Ils y exercent déjà leurs talents. On peut se demander aussi pourquoi Emmanuel Macron a pu être élu avec un projet aussi révolutionnaire et utopique que celui de la planification écologique, avec les détails les plus extravagants. Pour les mois à venir, il serait hautement souhaitable que son parti ne contrôle pas l’Assemblée, mais de toutes façons la Constitution actuelle lui donne des pouvoirs exceptionnels dont il a su se servir. Il a déjà régné en dictateur quand il a déclaré la France « en guerre » contre le covid : la guerre apporte et légitime tous les pouvoirs. La guerre écologique sera donc la bienvenue, il fallait bien trouver une guerre nouvelle pour régner cinq ans de plus en dictateur. Mais comment le peuple français peut-il accepter la servitude volontaire, gober tous les mensonges, toutes les peurs ? « Quos vult perdere Jupiter dementat ». Oui, notre Jupiter essaie de nous faire partager sa folie, mais serions-nous donc perdus sans réagir ? La réaction ne peut s’organiser qu’au sein de la société civile, en reconstituant un tissu social intermédiaire entre le pouvoir et le peuple. Aujourd’hui les partis ne jouent plus aucun rôle en ce sens, et les partenaires sociaux tant syndicaux que patronaux attendent de l’État subventions, exemptions, privilèges. Je sais que le combat est inégal, car derrière la poussée écologique mondiale, se trouvent tous les adversaires de la liberté. D’une part ceux qui ne rêvent que de dictature et de planification, comme Mélenchon et les marxistes de tous les pays, d’autre part ceux qui veulent instaurer au niveau mondial un pouvoir sans limite, qu’il soit chinois, russe, américain ou supranational. Derrière l’affaire écologique il y a aussi une philosophie de la déchéance de l’être humain, qui serait incapable de respecter la planète. Comme cela a été dit, il y a une religion écologique, celle de la déesse Gaïa. Le
retour au paganisme n’a pour antidote que la redécouverte des valeurs
morales et spirituelles qui ont fait la civilisation, c’est-à-dire le
respect de la vie,
de la liberté, de la propriété de l’être humain.
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