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03.05.2022
- N° 913

Le Bio ne résiste pas aux crises

 

Dernier commentaire paru le 02 mai 2022 :
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Par Armand Paquereau


Armand Paquereau est agriculteur à la retraite, auteur de billets d’humeur sur Wikiagri.fr
et coordinationrurale.fr et auteur de « Cultiver la terre de Charentes ».




Il y a de la place pour les deux modèles d’agriculture, qui sont complémentaires pour le choix des consommateurs. Vouloir imposer le bio comme seul moyen de production autorisé représente une utopie dangereuse.

La guerre en Ukraine a remis en cause de nombreux équilibres économiques dont les conséquences se font déjà lourdement sentir, et le pire est encore à venir.

L’augmentation des prix des carburants, du gaz et des denrées alimentaires a directement impacté le budget des ménages au point d’imposer des choix drastiques dans la priorité des achats. Le confinement covid de 2020 avait profité aux produits bio, boostant les achats locaux auprès de producteurs. L’interdiction des sorties et divertissements laissait aux ménages un peu d’oxygène dans leur budget pour acheter des produits bio, estimés 50 % plus chers selon Olivier Chaloche membre du Conseil d’administration de la FNAB.

Mais au sortir du confinement, les réflexes de consommation ont conduit les ménagères à retourner vers les grandes et moyennes surfaces, et on assiste à un effondrement des achats de produits bio comme en témoigne le graphique suivant :


Une prise de conscience à retardement

Malgré le matraquage médiatique de propagande pour les produits bio, les consommateurs ont enfin pris conscience de certaines réalités. Notamment qu’à l’instar des produits de l’agriculture conventionnelle, ils doivent être protégés des maladies et des prédateurs.

Et il n’a jamais été prouvé qu’un insecticide bio était réellement moins toxique qu’un insecticide de synthèse. En témoigne l’interdiction la Roténone en 2011 qui accroissait les risques de maladie de Parkinson, qui a été remplacée par l’huile de neem, extraite des graines de margousier, reconnue comme perturbateur endocrinien avéré et utilisée en Inde depuis longtemps comme contraceptif. Si les molécules naturelles utilisées en bio sont plus rapidement dégradées par le soleil ou la pluie, il est nécessaire de renouveler les traitements plus fréquemment que pour les produits de synthèse. Le marketing Bio est basé sur une idéologie, pas sur la science. Aucune étude comparative de toxicité ne prouve l’avantage du « naturel » sur le phyto de synthèse. Quant aux résidus de produits, il faut vraiment chercher pour trouver une réponse objective.

On constate qu’effectivement les aliments bio contiennent moins de résidus de phytos que les aliments conventionnels, mais les quantités aux taux supérieurs aux limites maximales de résidus (LMR) légales, seules réellement dangereuses, sont très proches (Bio 1,3 %, conventionnel 2 %).

Devant les contraintes économiques, les consommateurs ont probablement pris conscience qu’un écart de prix significatif entre le bio et le conventionnel ne justifie pas un aussi petit gain de sécurité sanitaire.

Les ventes de bio vont-elles rebondir ?

Si le prix est le réel motif de la décroissance des transactions bio, les effets de la conjoncture des affrontements russo-ukrainiens pourraient amorcer un rééquilibrage. La production conventionnelle est tributaire d’intrants exogènes (engrais, phytos, semences) dont une partie importante provient des pays en conflit. Les embargos et les conséquences de la guerre raréfient l’approvisionnement et enchérissent les coûts d’achat. La rareté ou l’impossibilité de s’approvisionner en fertilisants, notamment azotés, diminueront les rendements et tout cela entraînera une augmentation des prix des produits alimentaires, rapprochant ceux-ci du prix des produits bio.

Ces derniers devront eux aussi incorporer le coût du carburant, mais leurs productions ne dépendant pas des engrais azotés de synthèse, leur niveau de rendement sera moins impacté.

Nul ne peut prédire la durée du conflit, mais il est certain qu’un enlisement aggravera les problèmes, pouvant entraîner une pénurie. Dans ce cas, les différences de prix ne guideront plus le choix des consommateurs et la présence ou non de résidus de phytos non plus.

Une offre bio qui surpasse la demande

La baisse de la consommation des produits bio a pour conséquence une surproduction de ces produits. Ainsi SODIAL, le groupe laitier a dû vendre 30 % de son lait bio au prix du conventionnel et inciter ses éleveurs à « modérer les volumes ». Il a également gelé les nouveaux projets de conversion. Pour la filière œufs, de nombreux éleveurs abandonnent le bio pour minimiser le coût des aliments des volailles.

Dans un passé récent, il était inconvenant de parler de dé-conversion bio. Mais cette réalité devient de plus en plus prégnante.



Déjà au début des années 2000, les CTE Bio (contrats territoriaux d’exploitation) avaient connu un certain succès grâce aux aides conséquentes qui étaient attribuées. Mais la majorité des bénéficiaires n’attendaient que la fin de leurs engagements de 5 ans pour abandonner le bio sans avoir à rembourser la totalité des aides allouées annuellement.

Les raisons étaient déjà celles que l’on rencontre aujourd’hui, à savoir la difficulté de contrôler les adventices qui envahissent progressivement les cultures, les corbeaux et pigeons qui pillent les semences non enrobées de phytos répulsifs, et les maladies cryptogamiques qui ravagent les fruits et légumes.

Comme l’illustre le graphique ci-dessus, les déconversions ont tendance à s’accélérer de manière très importante ces trois dernières années. Malgré ses annonces de soutien à la filière en augmentant les budgets à la conversion de 250 millions d’euros à 340 millions les seules trois premières années de conversion, la récente décision du gouvernement qui ne versera plus les aides au maintien bio dès 2023, ne semble pas à même d’inverser la tendance.

La volonté d’une idéologie face aux contraintes de la réalité

L’idéologie écologique, aidée par quelques lobbies qui y trouvent intérêt et raison d’être, impose par un matraquage médiatique sa vision de l’agriculture à l’opinion, avec le soutien majoritaire des médias eux aussi intéressés par la matière à capter le lectorat. Et l’opinion, bernée par la répétition d’informations orientées ou incomplètes qui deviennent vérité d’évangile, répète à l’envi que l’agriculture bio peut nourrir le monde et doit devenir le modèle unique.

Mais toutes ces belles intentions ne peuvent effacer la réalité des choses.

Pour que l’agriculture bio perdure, il est indispensable qu’elle rémunère correctement l’agriculteur et le récompense pour les efforts supplémentaires qu’il doit faire pour se passer des simplifications techniques et physiques qu’apporte l’utilisation de la chimie. Détruire des chardons ou des adventices sous la ligne de plantation des vignes ou des vergers pour toute une saison ne prend que quelques instants avec du glyphosate pour un prix modique. Cette opération mécanique, complétée manuellement, demande 20 à 30 fois plus de temps, avec une répétition pour les repousses. Les pro-bio prônent la création d’emplois, mais sont aveugles sur le fait qu’il y a peu ou pas de candidat pour arracher les chardons à la main !

Les agriculteurs engagés dans la bio sont eux-mêmes inquiets de la réduction des doses de cuivre autorisées pour combattre le mildiou, imposée par Bruxelles, ce cryptogame pouvant détruire une récolte comme il a créé la famine en Irlande dans les années 1850 en détruisant les pommes de terre.

Les rendements inférieurs constatés en bio ne sont pas de nature à induire à la baisse ce coût des denrées alimentaires et une généralisation de la bio ne peut être envisagée, l’expérience du Sri Lanka qui a dû faire machine arrière est révélatrice.

La mise en valeur de la bio comme produisant des aliments de meilleure qualité ne peut être totalement retenue : son cahier des charges ne comporte aucune comparaison sensorielle et gustative par un panel de consommateurs comme certains labels de l’agriculture conventionnelle, dont le Label Rouge par exemple.

L’exemple de sécurité sanitaire ne peut non plus être totale : le peu de différence de la réelle dangerosité démontrée dans le second graphique entre le bio et le conventionnel (0,7 %) n’est pas de nature à inquiéter raisonnablement.

De plus, il ne faut pas oublier en 2011 les 3255 personnes contaminées, dont 36 sont décédées, par la bactérie E.coli entéro-hémorragique provenant de graines germées fournies par une ferme bio de Bienenbüttel, en Basse-Saxe.

Conclusion

Il y a de la place pour les deux modèles d’agriculture, qui sont complémentaires pour le choix des consommateurs. Néanmoins, vouloir imposer la bio comme seul moyen de production autorisé représente une utopie dangereuse.

Comme la guerre en Ukraine a généré des pénuries de certains produits, la baisse de rendements résultant de la bio entraînera une augmentation conséquente des prix que les consommateurs ne sont pas en mesure de supporter. Si la production conventionnelle était totalement interdite en France, l’importation de produits conventionnels entrerait en concurrence avec les produits bio français et leurs prix devraient s’aligner à la baisse, ne permettant plus de rémunérer les agriculteurs français.

Croire à une idéologie n’est pas interdit,
mais réfléchir aux conséquences est impératif.



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