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26.04.2022
- N° 907

Mondialisation : la pire ou la meilleure ?

 

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Par Jacques Garello


Jacques Garello, est Professeur Émérite à l’Université Aix Marseille, Président d’honneur de l’ALEPS, directeur de la publication de la Nouvelle Lettre (www.Libres.org). Dernier ouvrage paru : « Le Vote Libéral », Libréchange éd., septembre 2016.



Il existe deux types de mondialisation :
une mondialisation politique et une mondialisation libérale, marchande.
Aujourd’hui, c’est la mondialisation politique qui fascine.

Avec le pouvoir d’achat, l’écologie et l’immigration, un autre clivage entre les candidats aura été la mondialisation. Marine Le Pen a plaidé le souverainisme français, Emmanuel Macron le souverainisme européen. Mais les réalités de la mondialisation ne se limitent pas au choix du souverainisme. Elles sont en apparence très complexes, et je crois nécessaire de mettre de l’ordre dans les concepts et dans les faits.

Deux types de mondialisation

Je soutiens qu’il existe deux types de mondialisation : une mondialisation politique et une mondialisation libérale, disons : marchande. Aujourd’hui, c’est la mondialisation politique qui fascine les esprits. Elle signifie que c’est le pouvoir politique qui doit régler les échanges mondiaux. Oui, mais quel pouvoir politique ?
  1. Le souverainisme national estime que c’est à l’État-nation de fixer les règles de l’échange, quitte à passer des accords bi ou multilatéraux entre États.
  2. Le souverainisme européen estime que des accords inter-étatiques ne sont pas efficaces ni souhaitables : c’est Bruxelles qui doit fixer les règles du jeu, y compris pour des pays non-membres de l’Union (la volonté de Bruxelles s’est affirmée même à l’égard de la Suisse, et bien évidemment aujourd’hui à l’égard du Royaume-Uni).
  3. Pourquoi pas un pouvoir politique supra-national ? Certes, là encore, on estime que les accords multilatéraux (du type ALENA, MERCOSUR, etc.) ne sont ni durables ni souhaitables, ce qui renvoie soit au souverainisme national (isolationnisme américain et doctrine de Monroe) soit à la création d’un organisme mondial définissant les règles des échanges.
  4. Une organisation mondiale du commerce (et plus généralement des échanges) est donc souhaitée par certains. Mais quel pouvoir peut-elle avoir ? Le passage du GATT (accord multilatéral élargi à la plupart des échangistes mondiaux) à l’OMC (à l’initiative de la France, Marrakech, 1994) a conduit à un échec, et personne ne croit aujourd’hui que l’ONU, la CNUCED et autres grands machins situés à Genève puissent contraindre quelque État à respecter les règles du jeu mondial.
  5. Reste à créer un pouvoir politique d’une nouvelle nature, en fédérant les grandes entreprises qui représentent une part importante des échanges mondiaux, et en associant les États sans pour autant leur laisser quelque maîtrise sur les décisions importantes : c’est Davos, c’est le projet de la « grande réinitialisation » (great reset). En fait ce pouvoir est celui d’un lobby, essayant de faire passer dans les faits ce qui est le souhait d’une minorité élitiste et puissante.
Toutes ces formes de mondialisation ont en commun de remettre au centre du jeu le pouvoir des États, pour les protéger ou pour les organiser à un niveau plus élevé. En s’ingérant dans les échanges mondiaux, les États entendent toujours défendre leurs nationaux. En réalité ils répondent à une demande de la part de certains de leurs nationaux menacés par la concurrence étrangère ou (autre variante) ils offrent à certaines catégories de nationaux la garantie d’une protection durable. Le protectionnisme est une arme électorale efficace. Comme toute guerre, la guerre économique est une façon d’accroître le pouvoir politique.

La mondialisation marchande

Par contraste avec cette mondialisation politique existe la mondialisation marchande, celle qui met en contact des producteurs et des consommateurs de toutes nationalités. C’est celle que l’on aurait pu attendre après la disparition de l’empire soviétique, c’est celle que Fukuyama avait saluée en rêvant à « la fin de l’histoire ». Dans un marché mondial il n’y a plus de frontière politique. Les bienfaits sont vite apparents. Comme Adam Smith l’avait prévu, l’élargissement de l’espace des échanges est source de richesse : historiquement le passage de l’économie domestique à l’économie régionale, puis nationale, puis internationale s’est toujours accompagné d’une croissance accélérée et durable. Ce n’est pas en vertu d’une division internationale du travail (lecture d’Adam Smith faussée par David Ricardo) mais en vertu d’une diffusion du savoir.

La concurrence permet aux producteurs de s’aligner sur les meilleurs, dont les produits répondent le mieux aux besoins de consommateurs de plus en plus nombreux et divers. Le commerce mondial est une « machine à laver les entreprises » comme dit ma collègue Victoria Curzon Price.

Le problème est que la machine commerciale va aussi amener à laver les États, et toutes les formes de pouvoir. Les États eux-mêmes sont mis en concurrence parce que les producteurs et consommateurs d’un pays sont nécessairement tributaires des conditions dans lesquelles leur État les fait vivre, notamment à travers sa fiscalité, ses réglementations, ses systèmes sociaux. Voilà pourquoi et comment les États se sont ligués contre la mondialisation marchande. La séquence est la même : du souverainisme national on passe soit au souverainisme élargi (européen par exemple), soit aux accords multilatéraux, soit aux essais de planification mondiale. Ces processus détruisent la concurrence marchande, on va même jusqu’à prétendre que la vraie concurrence n’existe qu’entre concurrents égaux et on impose l’harmonisation des règles, des impôts, des normes, pour mettre fin à la « concurrence déloyale » (Primarolo).

À l’heure actuelle une course de vitesse est engagée entre mondialisation politique et mondialisation marchande. On peut avoir l’impression que le libre échange est condamné compte tenu de la fièvre politique qui assaille le monde entier, une fièvre haussée par le nombre et la puissance de nombreuses dictatures, dont la plupart veulent commercer.

Je ne crois pas que la partie soit perdue pour le libre échange.

D’une part la preuve a été apportée depuis vingt ans que l’ouverture au marché mondial a permis à de nombreux pays d’émerger alors que la politique à la mode dans les années 1960-1990 était de « planifier pour développer » et de contrôler tout commerce et tout investissement étrangers.

D’autre part la production s’est progressivement libérée de l’hypothèque des ressources naturelles : l’économie est de moins en moins « géonomique » (François Perroux) c’est-à-dire dépendante des ressources naturelles locales. Les délocalisations se font avec une vitesse incroyable, les transferts de technologie sont presque instantanés. Enfin et surtout si les productions agricoles et industrielles constituent encore des activités plutôt liées à la localisation, elles représentent une part de plus en plus faible de la production et de la consommation mondiales, tandis que le secteur tertiaire, c’est-à-dire les services, occupe une part croissante. On peut même noter que les règlements monétaires, qui étaient une arme de protectionnisme et de puissance pour les États dominants se font de plus en plus sans intervention des États, ainsi privés de leur seigneuriage ancestral et injustifié.

Je suppose que toutes ces considérations, qui mériteraient évidemment des arguments plus nombreux, sont suffisantes pour éclairer les Français sur

ce qu’est réellement la mondialisation : la pire ou la meilleure des choses,
suivant qu’elle est politique ou marchande.


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