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24.04.2022
- N° 905

La disparition progressive de la légitime défense

 

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Par Armand Paquereau


Armand Paquereau est agriculteur à la retraite, auteur de billets d’humeur sur Wikiagri.fr et coordinationrurale.fr et auteur de « Cultiver la terre de Charentes » édité en 2010 par Le Croît Vif.



Macron s’oppose à la légitime défense.
Pourtant la situation actuelle montre qu’il ne faut pas y renoncer.

Nul n’a le droit de se faire justice soi-même. Cet adage de sagesse est la base même de la vie en société, pour éviter les abominations de la loi du Talion ou de la vendetta, ou des vengeances individuelles occultes.

Le Président Macron en déplacement à Fouras a précisé sa position sur la légitime défense suite à la mort d’un des quatre cambrioleurs qui entraient par effraction chez un agriculteur :

« Chacun doit avoir la sécurité et c’est le devoir de la puissance publique de l’assurer. Mais, je suis opposé à la légitime défense. C’est très clair et c’est intraitable parce que sinon, ça devient le Far West. Et je ne veux pas d’un pays où prolifèrent les armes et où l’on considère que c’est aux citoyens de se défendre. »

L’acte de l’agriculteur qui a abattu le cambrioleur correspond parfaitement à la première description énoncée par l’article 122-6 du Code pénal :

« Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte :
1° Pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »

Cependant, l’article 122-7 du même code précise :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

Cette subtile et subjective distinction, laissée à l’appréciation des juges, laisse le champ libre à la multiplication des agressions, violences et assassinats de citoyens paisibles jusque dans leurs demeures.

En contrepartie de l’adage précité comme le précise le président Macron, c’est l’État, par ses lois et les forces de police et de gendarmerie a le devoir de prendre en charge la sécurité des citoyens, en tout temps et en tous lieux. Et c’est bien parce que l’État manque à cette obligation de protection que des zones de non-droit se multiplient et se développent, avec leurs bilans de morts, de blessés, de traumatisés et handicapés à vie, avec en corollaire des dégradations de biens publics et privés.

Il est d’ailleurs patent que l’État ne s’impose pas ce qu’il impose aux citoyens.

En effet, l’article L 4121-1 du Code du travail énonce :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

L’article suivant L 4121-2 énonce entre autres :

1° Éviter les risques ;
3° Combattre les risques à la source ;

Ainsi la loi enjoint une obligation de résultat au chef d’entreprise. La loi est sévère envers l’employeur car une fois qu’un employé est victime d’un accident, même si celui-ci résulte de sa faute ou de sa maladresse, s’il était dans le cadre de l’exécution de ses fonctions, l’employeur est présumé responsable de la survenue de l’accident et des dommages induits.

Par contre, l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire ne prend en compte que les préjudices inhérents à la justice :

« L’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ».

En matière de préjudice, l’arrêt Blanco consacre l’indemnisation du préjudice d’une victime par la faute d’une entreprise d’État.

Mais force est de constater que la jurisprudence n’oblige pas l’État à éviter les risques, ni de les combattre à la source. La polémique sur les attentats du 13 novembre 2015 s’est soldée par un laconique :

« Aucune faute ne peut être imputée aux services de police pour n’avoir pas mis en œuvre un dispositif de sécurité particulier autour de la salle de spectacle du Bataclan après le mois d’août 2015 », a de son côté jugé le tribunal administratif de Paris en 2018 ».

En cas de carence de l’État, que reste-t-il de la légitime défense ?

Si la loi, c’est-à-dire l’État nous interdit de faire justice nous-mêmes, par conséquence de nous défendre, que n’est-il présent pour nous protéger nous et nos biens ? Malgré des forces de police présentes restées placides et sans réactions, les dégradations commises par des Black Blocs lors de nombreuses manifestations ont de quoi inquiéter, voire révolter les citoyens honnêtes.

La jurisprudence qui apprécie l’acte de légitime défense ne prend pas en compte le cas d’urgence, de soudaineté, de sidération, de panique de la personne attaquée.

L’article L 122-7 du Code pénal définit d’une manière restrictive et subjective la notion de légitime défense :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

La notion de proportionnalité a été ajoutée par la jurisprudence pour aboutir à une quasi-interdiction de se défendre. Si la défense n’est pas supérieure à l’attaque, l’agressé sera blessé (gravement) ou mort. Un citoyen qui se défend avec une arme à feu doit-il attendre que l’agresseur armé d’un couteau soit à  distance de lui planter dans le corps pour appuyer sur la détente ?

Une autre limite est d’origine jurisprudentielle, la légitime défense est inconciliable avec la nature involontaire de l’acte de celui qui se défend. Tel est le cas de celui qui se défend et tue involontairement son agresseur. Dans une telle hypothèse les juges retiennent l’homicide involontaire et non la légitime défense. L’arrêt Cousinet, rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 16 février 1967 en est l’illustration. Lors d’une querelle, monsieur Cousinet avait brutalement repoussé un ivrogne qui s’était grièvement blessé en tombant.

L’effarante réalité

Au vu de l’évolution de la jurisprudence, pour prétendre à la légitime défense il faut ne pas pouvoir fuir, avoir appelé les forces de l’ordre, et être dans l’instant à même de proportionner sa défense à l’attaque.

Cela prouve la totale inconscience des juges de l’état de sidération de l’agressé, de l’instantanéité nécessaire de la réaction et de la supériorité nécessaire de la défense sur l’attaque. Une personne agressée par un individu armé d’un couteau ou d’une barre de fer qui abat celui-ci à bout touchant avec une arme à feu est de fait en légitime défense, car l’agresseur n’a pas obéi à la dissuasion de l’arme en s’approchant, et l’agressé n’avait plus qu’une fraction de seconde pour ne pas succomber. Mais pour les juges, il n’y a pas proportionnalité entre les moyens !

L’agression qui a suscité la position catégorique du président de la République est significative. L’agriculteur a tiré un premier coup de feu en l’air, les quatre individus ont fait le tour de la maison et ont fracturé une porte vitrée ; c’est là qu’il a tiré le coup de feu mortel avec une carabine 14 mm (source Charente Libre 31 mars 2022). Les trois individus ont abandonné leur comparse devant l’hôpital avant de disparaître. Une chose est certaine, ces trois-là s’assureront que les lieux de leurs prochains cambriolages soient vides de leurs propriétaires avant de récidiver !

On aborde là la délicate notion de la dissuasion. Combien d’agressions, de meurtres seraient évités si les agresseurs savent que derrière une porte fracturée, le propriétaire peut se défendre sans être inquiété. Aucune enquête statistique ne peut le mesurer. Il n’en reste pas moins que la sanction est toujours dissuasive, en témoignent les radars ou les pénalités d’impôt.

La dissuasion condamnée

Même l’usage de l’intimidation sans danger est condamné.

Par exemple, un agriculteur de Boutervilliers dans l’Essonne exaspéré par quatre jeunes faisant du cross sur son terrain leur demande de partir. Il a dû battre en retraite devant leur agressivité. Il est revenu et a tiré un coup de fusil en l’air.

Il a été condamné à cinq mois de prison avec sursis et à la confiscation de ses armes. Il faut préciser que les agissements des ces perturbateurs avaient été signalés à plusieurs reprises aux forces de l’ordre mais sans résultat.

Faire évoluer la loi et humaniser la jurisprudence

Le président de la République veut aller plus loin que la jurisprudence et s’oppose à la légitime défense. Selon lui, la protection des biens et des personnes ne doit être assurée que par les forces de l’ordre.

Mais la hausse de la criminalité traduit bien leur incapacité à assurer leur mission de protection.

Faudra-t-il intégrer les conséquences de cette incapacité dans l’article 223-6 du Code pénal pour que toute personne agressée poursuive l’État en justice pour ne pas l’avoir protégée :

« Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »

Mais cela ne remplacera pas l’urgence et l’immédiateté indispensables
de la légitime défense.


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