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22.04.2022
- N° 903

L’arnaque électorale du pouvoir d’achat

 

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Par Yves Montenay


Polyglotte, Yves Montenay est doté d'une riche carrière internationale nord-sud de cadre, conseil et chef d'entreprise. Démographe de formation, passionné d’histoire, d’économie et de géopolitique il est actuellement écrivain, consultant et enseignant. Auteur de plusieurs ouvrages de démystification sur les relations nord-sud, notamment le Mythe du fossé Nord Sud, ainsi que Nos voisins musulmans, il publie également Les Echos du monde musulman, une revue hebdomadaire de la presse orientale et parfois occidentale sur le monde musulman, avec une priorité donnée à l'humanisation des récits.



L’augmentation du pouvoir d’achat n’est pas du ressort des politiques,
ainsi que l’illustre l’analyse des décisions économiques prises
au cours des 50 dernières années.

Ce que les Français appellent « agir pour le pouvoir d’achat » se traduit en pratique par une augmentation des salaires ou une diminution de certains prix par des subventions ou des blocages.

Un homme politique une fois élu peut effectivement signer un texte le décidant. Bien d’autres l’ont fait, mais le pouvoir d’achat ne s’est pas amélioré pour autant, par exemple parce que les prix ont monté.

Car maintenir le pouvoir d’achat au sens concret du terme, c’est pouvoir acheter autant. L’améliorer, c’est pouvoir acheter davantage.

Par cet article, écrit ce 20 avril, jour du débat de l’entre deux tours qui s’ouvrait justement sur cette question du pouvoir d’achat, j’entends démontrer que les candidats nous font sur ce sujet des promesses intenables : l’augmentation du pouvoir d’achat n’est pas de leur ressort, ainsi que l’illustre l’analyse des décisions économiques prises au cours des 50 dernières années.

Le grand souci des électeurs : le pouvoir d’achat

Les sondeurs ont relevé de nombreux souhaits : mieux rémunérer le travail des soignants, des enseignants et de bien d’autres, rendre la vie moins chère, pouvoir accéder au mode de vie souhaité et notamment au logement… Les électeurs ont également des inquiétudes sur l’avenir de la protection sociale, les retraites ou l’éducation.

On oublie l’immigration, la sécurité, la politique étrangère, la pandémie et l’écologie : le climat est vu comme un concurrent du pouvoir d’achat.

On pourrait reprendre une formule de Valérie Pécresse : on pense moins au « grand remplacement » et davantage au « grand déclassement ».

C’est tout à fait compréhensible, car les hausses rapides de prix dues à la pandémie, à la guerre en Ukraine et aux nouveaux confinements chinois, pèsent sur les fins de mois des plus modestes.

Les démagogues se précipitent donc : « votez pour moi » dit Marine Le Pen « et votre pouvoir d’achat sera sauvé ! ». Mais peut-elle ramener la paix en Ukraine et débloquer les usines chinoises ?

Les statistiques ont beau montrer que le pouvoir d’achat augmente légèrement assez régulièrement (sauf ces derniers mois), et donc que vu sur 10 ou 20 ans sa progression est nette, personne ne le croit.

Cette augmentation est bien sûr une moyenne, et chacun remarque que, dans son cas personnel, il est gêné par le prix des carburants s’il habite à la campagne, par les loyers s’il habite dans une grande ville etc.

Or les électeurs ont toujours raison, donc chacun y va de ses promesses.

Les promesses électorales de Marine le Pen ont fait du bruit avec notamment :
  • une baisse de la TVA sur l’énergie qui deviendrait un produit de nécessité ;
  • une augmentation de 10 % des salaires inférieurs à trois fois le montant du SMIC accompagné d’une exonération d’une hausse des cotisations sociales ;
  • une exonération de l’impôt sur le revenu de tous les jeunes actifs jusqu’à 30 ans.
Ce serait évidemment un bouleversement total, d’énormes dépenses, qui seraient compensées en partie par « des économies sur l’immigration »  (en oubliant que l’économie fonctionnerait encore plus mal, notamment dans les hôpitaux), et pour le reste seraient empruntées « comme pour le quoi qu’il en coûte ».

Les expériences cuisantes du Front populaire et de Mitterrand

Certes, on peut toujours signer un papier décidant telle augmentation de salaire, telle subvention, telle exonération, telle diminution de la durée du travail etc. La catégorie bénéficiaire pensera qu’une promesse a été tenue.

Mais tout sera annulé par les mouvements économiques que cette décision aura générés, comme l’ont illustré les expériences du Front populaire et de François Mitterrand. En fait, c’est même pire : l’économie sera déréglée et le pouvoir d’achat moyen diminuera.

En abaissant l’âge de la retraite de 65 à 60 ans Mitterrand déclarait : « On me dit que c’est impossible, mais je l’ai fait : ça y est, c’est signé ». Résultat de cette décision et de ses autres réformes : le pouvoir d’achat des Français a baissé de 14 %, et même de beaucoup plus si on tient compte de la hausse qu’il y aurait dû avoir « normalement » de 1981 à 1986, date des législatives après lesquelles la gestion est passée à Jacques Chirac.

Le Front populaire a vu un choc de même nature : la coalition de gauche a mis en place simultanément une augmentation des salaires, une diminution du temps de travail avec 15 jours de congés payés et 40 heures par semaine sans heures supplémentaires possibles. Inévitablement, la production a diminué, et donc le niveau de vie malgré les hausses nominales. On ne pouvait plus acheter autant qu’avant.

Dans ma lointaine jeunesse, alors que la CGT régnait sur les mineurs de charbon du Nord et leur permettait d’arracher des augmentations, un mauvais esprit avait eu l’idée de suivre l’évolution du prix du bifteck dans les zones minières : son augmentation mangeait une partie de celle des salaires. Corrélativement, les pauvres devaient réduire leurs rations.

Le pouvoir d’achat ne se décrète pas

En fait, aucun gouvernement ne peut augmenter le pouvoir d’achat, comme je vais maintenant essayer de le démontrer.

En effet le pouvoir d’achat, c’est le pouvoir d’acheter. Pour pouvoir acheter, il faut que le bien ou le service existe, donc qu’ils soit produit par quelqu’un. Or ce n’est pas en augmentant le salaire des aides-soignants que l’on fera pousser davantage de carottes. La seule chose que puisse faire un président, c’est de faire chuter ce pouvoir d’achat en faisant des choix bloquants. La plupart l’ont fait, soit par des actes répétés et importants, comme nous l’avons vu pour Mitterrand, soit par petites doses, dont la plus connue est la prolifération des normes et règlements qui compliquent le travail de chacun.

Heureusement le pouvoir d’achat augmente progressivement mais nettement, comme le montre l’augmentation de la consommation jusqu’au début de la pandémie, mais c’est grâce à d’autres acteurs, ingénieurs, chercheurs, chefs d’entreprise…

Le président n’a aucun moyen d’augmenter le pouvoir d’achat. Son rôle est de prendre le moins possible de mesures bloquantes, ou idéalement, de supprimer certains freins, notamment à l’emploi. C’est ce qui a été fait, à juste titre, pour l’ISF mais cela a certainement coûté très cher en popularité à Emmanuel Macron. De même il a raison de vouloir reculer l’âge de la retraite à 65 ans.

Tout le reste, y compris des mesures souhaitables pour d’autres raisons, comme augmenter le salaire des enseignants débutants, ne servira pas le pouvoir d’achat. Celui des bénéficiaires directs augmentera, ils achèteront davantage et donc il y aura moins de biens pour les autres, parce que cette augmentation de salaire ne débloquera aucune marchandise des ports chinois !

Bref, éventuellement à juste titre, une minorité aura été favorisée au détriment de la majorité. Et si tout le monde est augmenté il y aura plus d’argent pour se partager la même production et le pouvoir d’achat n’aura pas bougé.

Pourquoi ?

Vous connaissez mes idées : ne pas s’éloigner du concret. Le pouvoir d’achat se concrétise par des achats, c’est-à-dire l’acquisition de biens et de services, dont la première qualité doit être d’exister.

Or, pour exister, il faut que quelqu’un les produise. Je remarque que Jean-Luc Mélenchon voulait réduire le temps de travail à 32 heures par semaine et avancer la retraite à 60 ans. Que va devenir alors la production, donc le pouvoir d’achat, que l’on promet d’augmenter dans le même programme ?

Remarquons que cet exemple est valable pour l’ensemble de la planète. L’économie est un jeu à somme nulle, sauf augmentation de la productivité. Mais cette dernière dépend des progrès chez les producteurs et non du gouvernement.

Depuis 30 ans une grande partie de la croissance du niveau de vie mondial est venue de la croissance chinoise. Les producteurs du monde entier ont profité des réformes de ce pays pour augmenter massivement leur productivité. Il y a eu des gagnants et des perdants. Les principaux gagnants sont les Chinois, mais on oublie que les consommateurs du monde entier ont été eux aussi largement gagnants, Français compris, qui profitent de prix stables ou en baisse. Il y a eu aussi des perdants : les employés des usines fermées en France et ouvertes en Chine. Le pouvoir d’achat moyen des Français a effectivement nettement augmenté, mais celui des ouvriers en question a diminué.

La France est aujourd’hui ouverte, mais ça ne change pas grand-chose

Aujourd’hui, la France n’est plus fermée comme à l’époque du Front populaire ou, dans une moindre mesure, de Mitterrand. Une illustration en est le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron qui a été financé par l’endettement. Autrement dit, les biens que nous ne produisons pas ou l’argent que nous n’avons pas peuvent venir de l’extérieur via le déficit commercial ou la dette.

Mais il n’y a toujours pas de miracle : nous pouvons être en déficit commercial (en fait largement compensé par notre excédent de services en année normale) à condition que d’autres produisent à notre place. Cela a été le cas de la Chine, mais cela ne durera probablement pas. À court terme à cause de la paralysie due à la reprise des confinements à Shanghai et à Shenzhen, à moyen terme par le déclin démographique de la Chine et les multiples erreurs de son gouvernement.

Accessoirement, les Ukrainiens produisaient eux aussi à notre place. Certes, indirectement en nourrissant l’Égypte ou en servant de sous-traitants aux Polonais, qui étaient eux-mêmes sous-traitants des Allemands. Mais comme l’économie mondiale forme un tout, l’effondrement de la production ukrainienne nous touche aussi. Et le ralentissement de l’économie russe également, ainsi que l’illustre bien le fait du jour : Netflix chute de 25 % en bourse en 24 heures parce qu’il annonce pour la première fois de son histoire une diminution de son nombre d’abonnés. Pourquoi ? Parce qu’il s’est retiré de Russie où il avait 700 000 abonnés !

Quant à l’argent que nous nous procurons en nous endettant, il provient des pays qui ont trop d’argent pour l’utiliser et doivent le placer en bons du trésor français. Qui a trop d’argent ? Eh bien par exemple l’Arabie qui nous vend son pétrole à 100 dollars le baril et nous prête donc l’argent qu’elle nous a pris.

Résumons : le pouvoir d’achat, c’est le pouvoir d’acheter. Des biens français si possible, ou à défaut des biens étrangers mais à condition qu’ils existent, c’est-à-dire que d’autres pays soient excédentaires et consomment moins qu’ils ne produisent. Cela a longtemps été le cas de la Chine mais c’est probablement terminé, comme nous venons de le voir. C’est analogue pour l’endettement : si l’Arabie nous prête, cet endettement ne se transformera en pouvoir d’achat que si nous pouvons acheter des biens ou services étrangers avec cet argent. Nous venons de voir que ce n’est pas si simple.

Conclusion : les électeurs poussent les candidats à faire des promesses intenables

Les privations de liberté et répressions en Russie et en Chine nous font apprécier chaque jour d’être en démocratie.

Mais le revers de la médaille est qu’il faut répondre aux inquiétudes des électeurs, qui pensent qu’il suffit de mettre de l’encre sur du papier pour améliorer leur sort, alors que ça dépend du travail de tous, lequel ne devient plus productif que lentement, si on laisse travailler les entrepreneurs et les ingénieurs.

Par contre, le pouvoir d’achat est facilement paralysé par de mauvaises décisions ou par les événements extérieurs tels qu’une pandémie ou une guerre.

À ce propos, n’oubliez pas que nous avons la guerre à nos portes en Ukraine et que la Chine est reconfinée face au virus. Tout cela perturbe la seule source de pouvoir d’achat qu’est la productivité mondiale du travail.

Donc je suis au regret de vous annoncer qu’en dépit de toutes les belles promesses que vous ont faites les candidats mercredi soir,
le pouvoir d’achat va probablement encore baisser en 2022 !

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