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09.02.2022 - N° 831

  La gauche ou l’amour éperdu des droits de succession

 

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Par Jean-Philippe Feldman


Jean-Philippe Feldman est professeur agrégé des facultés de droit et maître de conférences à SciencesPo. Avocat à la Cour de Paris, il est aussi l'un des principaux contributeurs du Dictionnaire du libéralisme (Larousse, 2012).




L’ensemble de la gauche et de la Macronie veulent augmenter les droits de successions. Une politique démagogue et amorale.

Tir groupé de la gauche et de la gauche de la gauche sur les droits de succession. Yannick Jadot, en plus du rétablissement d’un impôt sur la fortune, veut des impôts alourdis sur les successions supérieures à deux millions d’euros.

Il a en effet, déclaré le 29 janvier, dans la veine d’un écolo-gauchisme d’autant plus piquant qu’il était censé représenter aux yeux de certains un programme relativement mesuré lors de la primaire écologiste, du moins par rapport à sa principale concurrente :

« Les plus riches font sécession, s’exonérant chaque jour un peu plus de leurs responsabilités fiscales, sociales et climatiques. »

Jean-Luc Mélenchon veut taxer à 100 % les successions au-delà de 12 millions d’euros.

Anne Hidalgo veut augmenter les droits au-delà des patrimoines supérieurs à deux millions d’euros.

Fabien Roussel veut un impôt progressif au-delà de 120 000 euros (ce qu’il est déjà…).

Inconstitutionnalité des mesures et évitement fiscal

Nous ne discuterons pas de deux points pourtant gênants pour la brochette d’hommes politiques cités.

D’abord, la constitutionnalité de certaines des mesures proposées que l’on qualifiera gentiment de problématique.

Ensuite, les mesures d’évitement fiscal qui ne manqueraient pas d’être accusées.

Car les hommes politiques et les bureaucrates se croient toujours plus intelligents que les autres. Toutefois, nous ne raisonnerons pourtant pas en termes utilitaristes, mais en termes de principes.

Un débat encore relancé sur les droits de succession

Parce que c’est notre projet : tel est le titre des « propositions des jeunes avec Macron ».

Nous retrouvons dans ce document de 28 pages tous les marqueurs de la gauche, ce qui est assez étonnant s’agissant du soutien à un candidat qui ne se réclame ni de la droite ni de la gauche… L’éditorial, très à gauche, reproche étrangement à celle-ci d’avoir abandonné « le combat pour l’égalité réelle ». L’objectif est, parait-il, d’« émanciper » la jeunesse, mais manifestement pas de l’État…

Quant à L’Obs, sa dernière Une du 3 février s’affiche ainsi : « Les inégalités en héritage. Pourquoi il faut réformer les droits de succession ».

Les Jeunes (socialistes) avec Macron

Les Jeunes avec Macron entendent « Lutter contre les inégalités de destin » avec trois propositions.

D’abord, ils reprennent la suggestion récente du Conseil d’analyse économique, à savoir « taxer l’héritage tout au long de sa vie plutôt qu’à chaque donation ». L’idée est que certains ne cumulent pas les donations et soient autant taxés que ceux qui ont la malchance de tout recevoir en une seule fois. Autrement dit, il ne faut pas favoriser ceux qui ont la chance d’avoir des parents qui ne meurent pas au même moment.

On pourrait cependant penser à d’autres mécanismes pour aboutir à l’« égalité réelle » revendiquée par nos jeunes cryptomarxistes : euthanasier en simultanée ses parents. Il y aurait bien une autre solution égalitaire : supprimer totalement les droits de succession, ce qui permettrait à ses parents d’avoir l’élégance de disparaître à espaces plus ou moins lointains, mais il ne semble pas que la proposition recueille les vœux de nos jeunes (déjà) envieux.

Ensuite, les Jeunes avec Macron veulent faciliter les transmissions d’héritage des grands-parents vers les enfants.

Enfin, la dernière proposition laisse songeur. Il faudrait « donner un héritage républicain (sic) à ceux qui n’en n’ont pas pour financer leurs projets ». On pourrait croire que cet « héritage républicain » reviendrait à « donner » à tous les jeunes ou à une partie d’entre eux une somme d’argent, comme le souhaitent de nombreux candidats à l’élection présidentielle. Ce qui suppose de prendre à d’autres… En réalité, le don est très socialiste : il s’agit certes de prendre davantage aux uns, mais seulement, du moins en apparence, de prêter aux autres : réaliser un projet à partir de 18 ans avec une somme allant jusqu’à 50 000 euros (qui juge ? dans quelles conditions ? on ne le sait), prêtée par l’État et remboursée « une fois un certain niveau de revenus atteint », est-il précisé. Donc peut-être jamais.

Les auteurs se targuent d’avoir réfléchi trois ans durant avant d’émettre leurs propositions. Il semble que leur acronyme à l’anglo-saxonne soit bien trouvée puisque leurs propositions versent dans la marmelade…. Puisse Emmanuel Macron, s’il est réélu, ne pas suivre une jeunesse bien écervelée !

Le Conseil d’analyse économique et son influence

On aura reconnu dans certaines propositions des candidats de gauche et d’extrême gauche, de même que des Jeunes avec Macron, les thèses martelées par le Conseil d’analyse économique et complaisamment colportées par nos médias très indépendants et peu orientés idéologiquement.

L’Obs entérine les idées du Conseil d’analyse économique dans son dernier numéro. L’éditorial, qui cite à deux reprises le très modéré Thomas Piketty, voit dans l’héritage l’une des matrices de l’accroissement spectaculaire des inégalités, couplé à un phénomène très bourdeusien de « reproduction culturelle ». Dans les pages centrales, l’article allègue, ce qui laisse sans voix, que la situation découragerait « ceux qui croient que c’est en étudiant et en travaillant plus qu’ils vont pouvoir s’enrichir » !

De manière tout aussi surprenante, la droite et l’extrême droite sont vouées aux gémonies alors même que les propositions de ses candidats se caractérisent par leur pusillanimité, surtout au regard des expériences étrangères, dont on ne parle jamais puisque nos principaux concurrents ont soit supprimé soit abaissé les droits de succession ces dernières années. Des améliorations de détail certes, mais aucune proposition radicale de suppression. Bref, de la droite conservatrice pur jus, comme trop souvent.

Suit dans L’Obs un entretien avec les économistes du Conseil d’analyse économique, Camille Laindais et Gabrielle Fack, très lénifiant en apparence, mais aux propositions radicales : remettre à plat les déductions fiscales et notamment l’assurance vie (proposition d’une parfaite immoralité), taxer l’héritage, on l’a dit, sur l’ensemble reçu tout au long de sa vie, développer les contrôles fiscaux sur les successions, etc..

Les fondements branlants de l’impôt sur la mort

Le reportage de L’Obs est presque entièrement à charge.

Seule exception : un encart consacré à de brèves observations d’un notaire qui rappelle la double imposition dont sont victimes les héritiers qui payent des droits de succession. On eût aimé que le journaliste et nos brillants économistes du Conseil d’analyse économique se prononcent sur le sujet.

Revenons au plus important, c’est-à-dire aux principes.

L’Obs se demande, dans son éditorial, « comment accepter que soit laissée au hasard de la naissance la trajectoire même d’une vie ? » Il faudrait donc que l’État intervienne pour corriger victorieusement ce hasard. L’héritier n’aurait donc aucune légitimité à recevoir de l’argent de ses parents ou de sa famille car il n’aurait aucun mérite à cela.

Mais que vient faire le hasard ici ? Si un enfant reçoit un héritage, c’est parce que le donateur ou celui qui a transmis l’héritage a travaillé ou qu’il a conservé un patrimoine. Les enfants reçoivent ainsi le fruit de l’activité, de l’intelligence, de la prudence, de l’ingéniosité de leurs parents ou de leur famille. Nos apprentis socialistes des Jeunes avec Macron, nos socialistes et assimilés du Conseil d’analyse économique, nos journalistes de L’Obs se concentrent toujours, comme les partisans de l’« égalité réelle », sur les donataires et les héritiers, mais jamais sur les donateurs et ceux qui transmettent un héritage.

Pas plus qu’ils ne répondent à l’argument selon lequel l’héritage a été taxé et retaxé avant d’avoir été transmis. Lorsqu’un immeuble familial se trouve légué ou hérité, il a fait l’objet d’impositions à l’achat et à la possession. Pourquoi devrait-il être taxé une fois encore ?

Autre argument irréfutable : transmettre un patrimoine, ce n’est pas simplement donner de l’argent ou l’équivalent d’argent, c’est aussi transmettre des valeurs, une tradition familiale, un lien entre plusieurs générations. Évidemment, nos jeunes et moins jeunes socialistes ne le saisissent pas car ils voient tout à travers leurs lunettes matérialistes et car la seule famille qui compte en définitive à leurs yeux, c’est la grande famille de l’État-nounou : famille, je vous hais !

Dernier argument irréfutable, argument qualifié d’absurde par l’un de nos contradicteurs lors d’un débat récent sur France Culture : s’il n’y a pas de mérite pour un héritier ou un donataire à recevoir un patrimoine, en quoi y aurait-il mérite pour un jeune à recevoir un « héritage républicain » ou un « héritage pour tous » cher à Thomas Piketty ? Le mérite serait encore moindre puisque cet héritage généreusement donné par notre État-providence proviendrait de la spoliation des patrimoines, une situation profondément immorale.

Car encore une fois, si l’État « donne », c’est parce qu’il a déjà « pris », et beaucoup plus. Nos économistes distingués du Conseil d’analyse économique feraient bien de (re)lire Frédéric Bastiat.

L’argument ultime de l’« égalité des chances »

Tous les partisans de l’impôt sur les successions écartent d’un revers de la main ces arguments, la plupart du temps d’ailleurs de manière implicite. Il suffit pour eux de brandir quelques expressions censément indépassables. Nous en avons déjà rencontré certaines : « égalité réelle » portée, sans doute par un impensé marxiste, par les Jeunes avec Macron. L’Obs cite l’inévitable « justice sociale », éreintée avec brio par Friedrich Hayek.

Surtout, tous se réfèrent à la formule magique de l’« égalité des chances ». Concept flou, machine à faire exploser le droit, d’autant plus dangereuse que les hommes politiques de droite et du centre ont repris depuis bien longtemps l’expression à leur compte. Car qu’est-ce cette mythique « égalité des chances » si ce n’est le droit donné aux uns sur l’activité des autres ? Un droit inextinguible, à l’image de l’égalité démocratique qui n’est jamais satisfaite, Alexis de Tocqueville l’a brillamment démontré.

L’égalité des chances, ceci est trop rarement souligné, c’est le pervertissement de l’égalité en droit, c’est l’égalité en fait, c’est l’« égalité réelle », c’est le passe-droit sans limites donné par les égalitaristes aux hommes politiques pour s’insérer plus encore dans la vie et dans les propriétés des individus.

À l’égalité des chances de la démocratie, on doit opposer sans faille
l’égalité juridique de la démocratie libérale.

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