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02.02.2022 - N° 824

  François Hollande coûte cher à la République

 

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de JP-95 et Jean JN:
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Par Jean-Philippe Feldman



Jean-Philippe Feldman est professeur agrégé des facultés de droit et maître de conférences à SciencesPo. Avocat à la Cour de Paris, il est aussi l'un des principaux contributeurs du Dictionnaire du libéralisme (Larousse, 2012).




Face aux coûts exorbitants,
il faut réformer le statut des anciens présidents de la République.


Les supputations sont allées bon train après que François Hollande eut récemment déclaré qu’« un ancien Président peut très bien être candidat à l’élection présidentielle ». Pourtant, la question essentielle n’a pas été posée : comment François Hollande peut-il encore exister en politique ?

L’exception française

Les commentateurs n’ont pas manqué de railler les ambitions présidentielles toujours vertes de l’ancien chef de l’Etat. On peut comprendre humainement que François Hollande garde rancœur envers son ancien ministre de l’Economie qui a brillamment manœuvré en 2017 pour l’évincer. Mais on saisit moins qu’une personne qui présente un bilan aussi pitoyable puisse toujours faire partie du microcosme politique. Comment l’expliquer ?

Comparativement, lorsque, au plus haut niveau des pays civilisés, un homme politique échoue au pouvoir, il disparaît automatiquement. De même, quand il subit une lourde défaite lors d’une élection, il se retire automatiquement. Et l’on n’entend plus parler de lui, sauf rares cas contraires.

Dans notre beau pays de l’exception, il en est autrement. Prendre une gifle électorale, témoigner d’une claire incompétence n’y sont pas rédhibitoires. On peut voir ici les effets d’une multitude de motifs, à commencer par des facteurs de nature institutionnelle avec notre régime, quasi unique au monde, parlementaire à présidence forte, ou de nature règlementaire avec notre législation sur le financement de la vie politique et des campagnes électorales, ou encore de nature politique avec notre système de partis. Mais la cause essentielle provient du statut des anciens Présidents de la République.

Histoire du statut des anciens Présidents de la République

Il convient de rappeler que, pendant près de trois décennies sous la Vème République, le statut n’était qu’officieusement fixé, hormis la qualité de membre de droit du Conseil constitutionnel, cette cour suprême du Musée Grévin brocardée par François Mitterrand dans Le coup d’état permanent. Ce n’est qu’en 1985 que ce statut est apparu au grand jour par le truchement d’une simple lettre du Premier Ministre, Laurent Fabius, en réponse à l’ancien chef de l’Etat, Valéry Giscard d’Estaing. En effet, ce dernier s’inquiétait de la disparition d’appréciables avantages. François Mitterrand, bon prince envers son ancien adversaire et peut-être soucieux d’assurer ses arrières, avait tranché en faveur du maintien des faveurs.

L’opinion publique apprit alors qu’en plus d’avantages financiers sous la forme d’une indemnité et, on l’a dit, de la qualité de membre de droit du Conseil constitutionnel, les anciens chefs de l’Etat bénéficiaient d’avantages en nature sous la forme d’un soutien matériel et de sécurité.

De manière louable, François Hollande, en poste depuis l’année précédente, demandait au vice-président du Conseil d’Etat et au Premier Président de la Cour des comptes de lui remettre un rapport sur la situation des anciens Présidents de la République, ce qui fut fait en juillet 2014. De son côté, l’Association Anticor déposa un recours pour excès de pouvoir contre la lettre du 8 janvier 1985. Son argumentation, malheureusement incomplète, retenait l’attention car elle revenait notamment à mettre en cause les avantages consentis qui pouvaient être utilisés lors des campagnes électorales et ainsi créer une rupture d’égalité entre les candidats. Toutefois, le Conseil d’Etat rejeta la demande d’annulation de manière assez sèche le 28 septembre 2016.

Quelques jours plus tard, le 4 octobre 2016, un décret du Président de la République relatif au soutien matériel et en personnel apporté aux anciens Présidents de la République était pris. Ce qui signifie que François Hollande fixait lui-même son futur statut…. Ce texte est toujours en vigueur.

De manière révélatrice, il n’entérinait pas la totalité du rapport. Que prévoit-il ? Il se divise en deux. Durant le quinquennat qui suit la cessation de leurs fonctions, les anciens Présidents bénéficient de :
  • sept collaborateurs permanents, dont un directeur de cabinet du niveau de la catégorie A supérieure ;
  • trois collaborateurs du niveau de la catégorie A ;
  • et deux agents de service.
Après ce quinquennat, les anciens Présidents bénéficient d’un personnel limité à :
  • trois collaborateurs permanents, dont un directeur de cabinet de niveau de la catégorie A supérieure et un collaborateur du niveau de la catégorie A ;
  • et un agent de service.
Donc, la petite équipe se réduit alors de sept à quatre. Dans tous les cas, les anciens Présidents bénéficient de la prise en charge :
  • du loyer, des charges et des frais généraux de locaux meublés et équipés « en adéquation avec les personnels mis à leur disposition » (traduisons en français : il ne s’agira pas d’un appartement de 30 m2 dans un H.L.M. d’une cité de Seine-Saint-Denis…) ;
  • et des frais de réception et de déplacement pour eux-mêmes et un collaborateur et ce, pour les activités liées à leurs fonctions d’anciens chefs de l’Etat.
Le coût pour les contribuables

En pratique, que cela signifie-t-il ? Le coût de nos trois anciens Présidents de la République était évalué en 2014 à plus de 10 millions d’euros par an, dont plus de 7 millions pour la sécurité.

En 2018, l’ancien Président anti-riches, François Hollande, reconnaissait avoir :
  • six collaborateurs ;
  • un maître d’hôtel ;
  • et un cuisinier (très important pour celui qui était, entre autres, surnommé « Flamby »… mais peut-être fricassait-il plutôt du homard ?).
Plus un très modeste appartement de fonction de 300 m². Hors sécurité, François Hollande coûtait annuellement plus de 800.000 € aux contribuables.

Un statut sans doute en adéquation avec ses revenus, évalués à environ 15.000 € net par mois, soit quatre fois le revenu d’un riche selon ses propres termes de 2007…. Et encore refuse-t-il de siéger comme membre de droit au Conseil constitutionnel.

Autrement dit, François Hollande nous fait rire, volontairement ou involontairement, depuis des années, mais il nous revient cher. Petite question : qui, dans le secteur privé, peut disposer du train de vie actuel dont profite François Hollande ?

Les comparaisons internationales

Comment se situe le traitement des anciens Présidents en France par comparaison avec les autres démocraties ? Là encore, il faut distinguer.

Quant aux avantages financiers, ils apparaissent assez réduits sous l’angle de la seule dotation annuelle d’ancien Président, soit environ 6.000 € brut par mois. Mais si l’on ajoute (ce que, encore fois, ne fait pas François Hollande) l’indemnité de membre de droit du Conseil constitutionnel, la France se situe dans la bonne moyenne.

En revanche, et là est l’exception française, les avantages en nature des anciens chefs de l’Etat, tant en soutien matériel qu’en soutien de sécurité, apparaissent considérables.

Le scandale Hollande et la réforme nécessaire

Foin de tout populisme, fût-il à la mode, qu’un ancien Président de la République dispose, mais durant quelques années seulement, d’une protection apparaît raisonnable. De même qu’il ne semble pas exagéré qu’une indemnité de retraite, et non pas une dotation avant celle-ci, puisse lui être accordée (Emmanuel Macron a d’ores et déjà annoncé qu’il la refuserait). Il est en effet saugrenu qu’un ancien Président puisse percevoir une indemnité quel que soit son âge. L’idée, exprimée aux origines de la Ve République, d’activités post-présidentielles qui devaient rester « dignes », c’est-à-dire hors vie professionnelle surtout dans le secteur privé, est surannée. Il y a longtemps que les hommes politiques au plus haut niveau peuvent se reconvertir, par exemple en donnant aux quatre coins de la planète des conférences grassement rémunérées ou en écrivant leurs mémoires, sans pour autant porter atteinte à l’éminente dignité de leurs anciennes fonctions.

En revanche, il est permis de se demander à quel titre un ancien chef de l’Etat pourrait user, a fortiori à vie, d’un appartement de fonction, de facilités de transport et d’un personnel payé par les contribuables. Là se trouvent le scandale et l’explication de la survie, à tout le moins médiatique, de ceux qui ont lamentablement échoué au pouvoir comme François Hollande : le fait de bénéficier gracieusement d’un appartement prestigieux et surtout de nombreux collaborateurs qu’aucun homme aisé (mettons les « riches » à part) n’aurait les moyens d’employer à son compte au regard du poids des charges sociales dans notre pays.

Exception française encore lorsque, au sein de notre monarchie républicaine, son ancien numéro un jouit de privilèges. Une situation de plus fort indécente s’agissant d’un homme politique prétendument socialiste qui passe son temps à donner des leçons de morale en se pavanant devant les médias.

Mais y aura-t-il en France un journaliste assez téméraire pour demander à François Hollande s’il est enfin prêt à renoncer à ses privilèges d’ancien chef de l’Etat, d’autant plus qu’il en aura pleinement profité depuis 2017 ?

Dans tous les cas,
il faut réformer le statut des anciens Présidents de la République.



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