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17.01.2022 - N° 808
Le malus écologique sur les automobiles, une taxe perverse
Par Vincent Benard Vincent Bénard est économiste et ingénieur en aménagement du territoire. Il écrit régulièrement des articles remettant en cause la logique des politiques publiques. Spécialiste du logement, il a également consacré de nombreux textes à la problématique du changement climatique. ![]() Aucun raisonnement,
ni logique, ni écologique, ne peut justifier ni le mode de calcul ni le
montant du malus imposé aux seuls acheteurs de voitures neuves.
La cuvée 2022 du malus écologique automobile est arrivée, toujours plus saumâtre, puisqu’à émissions égales, la hausse tourne autour de 50 % par rapport au tarif 2021. Le malus est une taxe à l’achat du véhicule, définie en fonction des grammes de CO2 émis par votre véhicule à chaque kilomètre selon une mesure normalisée officielle. Si votre véhicule émet moins de 127 g de CO2 au km selon cette norme, vous ne payez pas de malus. Au-delà, pour chaque gramme, le barème augmente, suivant une logique… qui défie toute logique. Baroque barème ! En effet, le malus est justifié par le fait qu’il force l’acheteur à payer pour les tonnes de CO2 que son véhicule émettra tout au long de sa durée de vie. Vous pensez donc que ce malus est représentatif d’un prix à la tonne multiplié par la distance parcourue en moyenne par un véhicule au cours de sa vie (13 000 km/an, 250 000 km au total) ? Hé bien pas du tout ! En effet, le prix à la tonne n’augmente pas du tout de façon linéaire, comme le montre le graphique ci dessous : ![]() L’acheteur d’une voiture émettant 127 g/km, soit 31,75 tonnes durant ses 250 000 km de vie, ne paie rien. Pour 140g (35 tonnes), chaque tonne de CO2 lui est facturée 9 euros, mais pour 160 g (40 tonnes), la tonne est facturée 55 euros, et pour 200 g, 363 euros ! Et la différence est encore plus flagrante si vous considérez qu’un véhicule émettant 31,75 tonnes au cours de sa durée de vie, ne paie rien. Si vous considérez que le législateur vous alloue de ce fait un quota de 31,75 tonnes par véhicule, alors le coût de chaque tonne émise au-delà de ce quota évolue ainsi : ![]() Le véhicule qui émet 128 g au km se voit, selon cette modalité, plus pénalisé que celui qui en émet 140, puisque la tonne au-dessus du seuil de gratuité lui est facturée 200 euros, contre 95 euros, ce qui est tout de même fort de café. Puis au-delà de 140, la courbe reprend son hyper-progressivité. Un véhicule émettant 160 grammes (2205 euros de malus), émettant en moyenne 40 tonnes au cours de sa vie, voit chaque tonne émise hors-quota être facturée 267 euros à son acheteur. Pour 180 g, le prix de la tonne hors quota atteint 563 euros, et pour 200 g, la barre des 1000 euros par tonne est allègrement franchie ! La taxe parabolique, vous n’en avez pas rêvé, l’État l’a quand même faite. Ce sont les mêmes tonnes de CO2. Une tonne de CO2 émise par un véhicule émettant 100 g au km a exactement la même influence atmosphérique qu’une tonne émise par un véhicule émettant 200 g. La logique voudrait que le second paie deux fois plus au kilomètre que le premier, mais pas plus. Pourtant, le prix imposé pour chaque tonne par le malus n’est pas identique, des accroissements mineurs des émissions se traduisent par une hyperinflation de la taxe. L’acheteur de voiture neuve, cette vache à lait Ces prix fous sont à mettre en rapport avec le cours moyen de la tonne de carbone en Europe supporté par les agents économiques lorsqu’ils échangent leurs quotas de CO2 sur les marchés officiels (source ministère, prix en dollars) : ![]() L’acheteur d’une voiture consommant 7 litres au 100 km voit donc ses émissions futures, au-delà de son quota de gratuité, lui être facturées beaucoup plus cher que les émissions d’une entreprise dans la même situation. Pire encore, cette taxe est identique qu’il roule 13 000 km par an, ou 8000, ou 25 000. Qu’il ait le pied lourd ou soit un conducteur économe. L’acheteur de la voiture neuve paie la taxe, qu’il conserve le véhicule jusqu’à sa destruction, ou qu’il la revende, l’acheteur de seconde main n’étant quant à lui pas (encore ?) soumis à cette obligation. Cette taxe viole donc le principe pollueur payeur par de nombreux aspects. La taxe carbone existe déjà, c’est la TICPE Au reste, il existe déjà une taxe carbone sur l’usage de l’automobile, beaucoup plus justifiable intellectuellement, quand bien même les automobilistes la jugent désagréable : c’est la TICPE prélevée sur les carburants. Celle-ci représente pour le contribuable une charge strictement proportionnelle à la consommation, que l’on roule peu, beaucoup, avec le pied lourd ou léger, avec un véhicule économe ou luxueux. La TICPE (plus la TVA sur la taxe) payée par les seuls automobilistes a représenté 24 milliards d’euros en 2018, pour environ 75 millions de tonnes de CO2 émises, soit un coût de 320 euros à la tonne, déjà incroyablement supérieur au cours de la tonne sur les marchés d’échange du carbone. De plus, les 24 milliards correspondent quasiment aux subventions cumulées versées à la SNCF et aux régies locales de transport, supposées être plus vertueuses en termes d’émissions de CO2 que l’automobile. Sans ces subventions, ces organismes seraient en faillite et ne pourraient assurer leur service de transport moins émissif. On peut donc affirmer que la TICPE est largement suffisante pour dédouaner l’automobiliste des effets supposés de ses émissions de CO2. Conclusion Aucun raisonnement, ni logique, ni écologique, ne peut justifier ni le mode de calcul ni le montant du malus imposé aux seuls acheteurs de voitures neuves, ni les différences de taxes imposées à des acheteurs de voitures aux émissions marginalement différentes. Il est donc permis de se demander si cette
taxe ne constitue pas une violation flagrante de l’égalité des
contribuables devant l’impôt. N’y aurait-il pas matière à former un
recours collectif contre cette taxe de ce point de vue ?
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