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02.12.2021 - N° 776 Il faut des entrepreneurs au Panthéon ! Par Claude Sicard Claude Sicard est ingénieur agronome, Sciences Po, et docteur en économie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la stratégie d’entreprise : Pratique de la stratégie d’entreprise, Le Manager Stratège et L’audit de Stratégie (Ed Dunod). Après un début de carrière dans l’industrie, a été directeur adjoint du département d’Économie de la CEGOS. Puis, ayant créé son cabinet de Conseil, la société OCS, Consultants, il s’est spécialisé dans les techniques d’analyse stratégique d’entreprises. ![]() Des œuvres comme celles de Louis Renault,
d’André Citroën ou de
Marcel Dassault ont fortement contribué à rehausser le prestige de la France et elles ont fourni à la collectivité des éléments de progrès et de richesse. La presse nous apprend qu’Emmanuel Macron a donné son accord à la proposition qui lui était faite de faire entrer au Panthéon la fameuse meneuse de revue des Folies Bergères dans les années 1930, Joséphine Baker. Cette artiste de music-hall franco-américaine a été une figure de la résistance aux envahisseurs nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Elle a été active aux côtés du pasteur Martin Luther King dans la lutte pour les droits civiques des Afro-américains. Une pétition qui avait recueilli plus de 30 000 signatures réclamant l’entrée au Panthéon de cette artiste très populaire lui a été présentée par Pascal Bruckner et Laurent Kupferman. Notre Président à qui seul revient aujourd’hui une telle décision n’y a vu, sans doute, qu’un avantage pour sa réélection lors de la prochaine campagne électorale en avril 2022. Joséphine Baker est une figure encore très populaire, à la fois pour le rôle qu’elle a joué dans la diffusion de la musique jazz en France dans les années 1930 et pour sa participation aux combats menés par la Licra, une association qui lutte contre le racisme, les discriminations et l’antisémitisme. Et elle a été décorée de la légion d’honneur, de la croix de guerre et de la médaille de la résistance. Cette entrée de Joséphine Baker au Panthéon, aux côtés de Voltaire, Victor Hugo, Pierre et Marie Curie, est à première vue renversante. Il y a actuellement au Panthéon 80 personnalités connues (75 hommes et cinq femmes) qui sont honorées par la nation : ce temple laïc rassemble les principales personnalités ayant marqué l’histoire de la France depuis la Révolution. Le bâtiment est une ancienne église dédiée à Sainte Geneviève, la patronne de la ville de Paris, et porte sur son fronton la maxime suivante : « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». Joséphine Baker, de son vrai nom Freda Josephine Mc Donald, y figure depuis le 30 novembre, date de son intronisation. Elle est la sixième femme sur la liste des panthéonistes. Durant les premières années les révolutionnaires avaient fait entrer au Temple de la Patrie de grands penseurs comme Voltaire et Jean-Jacques Rousseau ; puis Napoléon, sous l’Empire, y nomma beaucoup de militaires ; ensuite, il y a eu des scientifiques et des hommes politiques, et sous la Cinquième République, des résistants, avec notamment Jean Moulin promu par le général de Gaulle. François Mitterrand y a célébré avec René Cassin la défense des droits de l’Homme, et avec Jean Monnet la construction de l’Europe. LE GRAND HOMME François Hollande y a fait entrer quatre grands résistants, dont Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Dans le discours qu’il prononça à cette occasion, il présenta ces figures comme des symboles illustrant parfaitement la devise de notre République. Se pose donc la question de savoir ce que nous entendons par « Grand homme » ? Cette notion a évolué à travers le temps et les règles de panthéonisation ont changé au gré des soubresauts de l’histoire. Cette question divise beaucoup les historiens. Roger-Paul Droit, dans un article dans un numéro du quotidien Les Échos de mai 2015 écrit : "Les grands hommes tels que les concevaient
les Lumières ont disparu.
À la place de ces accoucheurs de siècles nous rencontrons aujourd’hui des existences réelles, des destins valeureux… Nous restent des étincelles d’humanité scintillant dans le maelstrom de la destruction." Un grand homme laisse une trace dans l’histoire. Par exemple, Alexandre le Grand a été un grand homme non pas en raison de ses conquêtes qui ont été extraordinaires mais parce qu’il a contribué de manière déterminante à la propagation de la culture hellénique, ce qui a eu une influence profonde sur le cours de l’histoire de l’Antiquité. Ce ne fut pas le cas d’ Attila, lui aussi un grand conquérant mais certainement pas un grand homme. De même le Pape Grégoire, qui a été le rédacteur de la règle bénédictine et auquel est attribuée la paternité du chant grégorien, le chant liturgique ordinaire de l’Église catholique. Dans le rapport tout à fait remarquable qu’il fit en 2018 à la demande de la ministre de la Culture, Philippe Belaval a reproché à l’action publique de s’être mal adaptée à l’évolution de la société en mutation. Il s’indigne, écrivant : "Il n’y a pas au Panthéon d’artistes à
l’exception de l’insignifiant
Vien honoré par Napoléon, pas d’architecte, à part Soufflot lui-même (l’architecte qui a construit Sainte Geneviève), pas de compositeur de musique, pas d’ingénieur ni d’entrepreneur économique, des domaines dans lesquels pourtant s’est illustrée l’excellence française." Et il fait la proposition suivante : "Il faut pour faire mieux comprendre et
davantage partager les valeurs de la République dans une société
menacée par le délitement rendre plus vivant le Panthéon, faire en
sorte qu’il soit davantage visité, mieux connu et compris,
pour que de plus en plus nombreux soient celles et ceux qui s’approprient les valeurs de la république, des valeurs incarnées par les grandes figures qui y sont honorées." Cet ancien président du Centre des Monuments nationaux veut donc faire du Panthéon un instrument de diffusion des valeurs de la République : "Dans le contexte de délitement du pacte
républicain, ce monument doit faire e
n sorte que la République ne perde aucun de ses enfants. Il faut leur expliquer que les difficultés qu’ils rencontrent ne doivent pas les jeter dans le désespoir et le désarroi." Les figures honorées au Panthéon sont des exemples. Sur le site de l’Ircom (Institut Albert le Grand) on lit : "La grandeur d’un homme peut se décliner de
façons très variées,
et désigne un degré d’accomplissement, de rayonnement, de compétence selon une mesure inhabituelle." Le Panthéon a donc bien un rôle éducatif à jouer dans notre pays. Pour le philosophe Hegel l’œuvre d’un grand homme exerce sur les hommes, et en eux, un pouvoir auquel ils ne peuvent pas résister. Ils sont animés par une passion : "Passionnément, ils poursuivent leur but et
lui consacrent tout leur caractère,
leur génie, leur tempérament. Ce qui est, en soi et pour soi, nécessaire se manifeste ici sous la forme de la passion." Par ailleurs, dans Cours de philosophie, la philosophe Laurence Hansen-Love nous dit : "Les peuples se reconnaissent dans leurs
grands hommes."
Il faut donc ne pas faire du Panthéon seulement l’instrument d’apprentissage des valeurs de la République, comme c’est par trop la tendance aujourd’hui, tendance illustrée précisément pas cette entrée inattendue de Joséphine Baker dans ce temple laïc national, mais plutôt, comme c’était sa vocation initiale, le monument qui montre aux jeunes générations ce qu’ont été les combats et les accomplissements de nos grands hommes, et ce dans les domaines les plus variés, ceci afin que les jeunes générations y trouvent une aspiration vers des destins qui soient de grands destins, des vies menées avec passion et tendues constamment vers l’accomplissement d’une œuvre utile à la nation. Alors, devront figurer dans la liste de ces héros nationaux des noms comme ceux du capitaine Charles Étienne Sainte-Claire Deville et du lieutenant-colonel Joseph-Albert Deport, les inventeurs du fameux canon de 75 qui joua un rôle déterminant dans les combats de la Première Guerre mondiale remportée finalement par l’armée française ; ou encore celui de ce grand industriel que fut Eugène Schneider, qui en 1914 réussit à doter rapidement la France d’un complexe industriel puissant et techniquement très pointu, au Creusot, capable de rivaliser avec Krupp, un outil industriel d’excellence qui produisit les aciers avec lesquels furent fabriqués tous ces canons de 75 si utiles pour gagner la guerre. Et l’on y ajouterait des industriels comme Louis Renault, malgré le sort qu’on lui réserva à la Libération du pays, en 1945. De telles figures ont marqué incontestablement notre histoire. Dans cette optique, pourraient être glorifiées de la même manière des figures comme celle de Marcel Dassault ou Jean-Luc Lagardère. Des œuvres comme celles de Louis Renault, d’André Citroën ou de Marcel Dassault ont fortement contribué à rehausser le prestige de la France et ont fourni à la collectivité des éléments de progrès et de richesse. Puisse donc le Panthéon jouer dorénavant pleinement son rôle en cessant d’omettre l’œuvre de scientifiques remarquables comme Blaise Pascal et Louis Pasteur, d’inventeurs comme Denis Papin, Philippe Lebon, Nicolas Appert, Nicolas Niepce, etc... D’entrepreneurs audacieux comme le furent en leur temps Louis Renault, André Citroën, ou plus récemment Marcel Dassault. Et l’on pourrait citer bien d’autres noms encore, comme celui par exemple de Roland Moreno, l’inventeur génial de la carte à puce en 1974, l’un des pionniers de l’économie numérique. L’inscription qui figure au fronton du Panthéon « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » s’applique parfaitement à eux, tout autant qu’a cette personnalité issue du monde du spectacle louée aujourd’hui et qui entre au Panthéon. Ce sont bien de grands hommes, c’est-à-dire des personnes qui ont marqué leur temps et dont l’action a eu un caractère bénéfique pour notre pays. Chacun, dans son domaine, a fait avec passion de grandes choses. Tous ont été tendus toute leur vie dans un effort soutenu pour accomplir avec passion une œuvre. Ils ont abouti à des résultats concrets utiles à la collectivité nationale. Ce sont donc des sources d’inspiration précieuses et leur exemple est un appel au dépassement pour les jeunes générations. Cette proposition n’entre évidemment pas en
opposition avec le souci
de promouvoir les valeurs morales de notre République. Elle a pour objet de redonner sa pleine signification à la noble mission dévolue par les républicains de 1789 à ce glorieux monument qu’est le Panthéon.
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