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19.04.2021 - N° 551

Dépenses publiques : de combien sont-elles trop élevées ?

 

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Par Claude Sicard



Claude Sicard est ingénieur agronome, Sciences Po, et docteur en économie.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la stratégie d’entreprise :
"Pratique de la stratégie d’entreprise", "Le Manager Stratège" et "L’audit de Stratégie".
Après un début de carrière dans l’industrie, a été directeur adjoint du département d’Économie de la CEGOS. Puis, ayant créé son cabinet de Conseil, la société OCS, Consultants, il s’est spécialisé dans les techniques d’analyse stratégique d’entreprises.



Au moment où l’on s’interroge sur la façon dont les pouvoirs publics vont pouvoir relancer notre économie, il est utile de se pencher sur le problème de nos dépenses publiques considérables, bien plus élevées que partout ailleurs.

Au moment où l’on s’interroge sur la façon dont les pouvoirs publics vont pouvoir agir pour relancer notre économie après la grave crise que nous venons de traverser, il est utile de se pencher sur le problème de nos dépenses publiques. Elles sont considérables, bien plus élevées que partout ailleurs.

Pour les libéraux, elles étouffent complètement notre économie.

Pendant sa campagne électorale, Emmanuel Macron avait promis de les réduire de 60 milliards d’euros. François Fillon, de son côté, avait avancé le chiffre de 100 milliards en cinq ans. Effectivement, les dépenses publiques françaises sont considérablement plus importantes que tous les autres pays, et elles ne cessent de croître, d’année en année : elles sont la cause de l’endettement croissant de l’État, un endettement qui a dépassé maintenant le montant du PIB du pays.

Qu’en est-il donc, exactement ? Nous en jugerons en nous en référant à l’année 2019, l’année 2020 ayant été par trop marquée par des évènements exceptionnels du fait de la pandémie de la Covid-19.

LES DÉPENSES PUBLIQUES EN FRANCE

En 2019, elles se sont élevées à 1348 milliards d’euros, soit 55,6 % du PIB. En pourcentage du PIB, elles sont les plus élevées de tous les pays de l’OCDE :
  • Suisse 32,7 %
  • États-Unis 37,8%
  • Royaume-Uni 41 %
  • Allemagne 45,2 %
  • Suède 49,3 %
  • France 55,6 %
Les études consultables ne ventilent pas toutes de la même manière les dépenses publiques. Par exemple, Jacques Fournier, conseiller d’État honoraire et ancien secrétaire général du gouvernement, les décompose de la façon suivante :



L’État produit des services : éducation, santé, transports, securité… et ces prestations sont tout à fait utiles à la nation. Aussi, pour cet auteur, le terme de dépenses publiques ne convient pas pour les qualifier. Et il n’est pas possible d’établir des comparaisons avec les autres pays car en effet, selon les pays, l’État ne joue pas le même rôle dans la production de ces services.

De son côté, dans une étude datant de 2017, France Stratégie adopte le schéma d’analyse suivant des dépenses publiques en points de PIB :



Dans l’optique qui nous intéresse ici, s’agissant de débusquer où se trouvent les excès de dépenses, c’est-à-dire les gaspillages, nous préférons adopter la décomposition suivante :



LES DÉPENSES SOCIALES

Aujourd’hui, les dépenses sociales françaises représentent près de 60 % des dépenses publiques, elles sont de loin le poste plus important, comparées aux autres pays :

Voici ci-dessous comment la  France, en cette matière, se compare aux autres pays :
  • Suisse 16 %
  • Pays-Bas 16,7 %
  • États-Unis 18,7 %
  • Japon 21,9 %
  • Allemagne 25,1 %
  • Suède 28 %
  • France 31,2 %
En 2019, pour la France, il s’est agi de 34,1 % du PIB, soit 827 milliards d’euros.

Pour établir une comparaison qui ait du sens avec les autres pays il faut tenir compte du niveau de richesse de chacun d’eux, celui-ci étant représenté par les PIB/tête, et ramener les dépenses sociales au nombre des habitants et non pas au montant des PIB des pays, comme cela se fait habituellement, à tort.

Sur le graphique ci-dessous, on a fait figurer les PIB/capita des pays en abscisses et les dépenses sociales par habitant, en ordonnées, (en US dollars).



On voit que la France se situe bien au-dessus de la droite de corrélation. Avec un PIB/tête de 40493 dollars, en 2019, le pays devrait en être à un niveau de dépenses sociales de 9645 dollars par personne, alors que nous sommes à 12 563 dollars, soit une excédent de 30,2 %.

En 2019, année où les dépenses sociales se sont élevées à 827 milliards d’euros, il y a eu un excédent de dépenses de 192 milliards d’euros, dépenses sociales qui se monteraient à 635 milliards d’euros. Selon cette corrélation, ce qui serait le niveau normal aurait représenté 26,2 % du PIB en 2019, un niveau se situant entre ceux de l’Allemagne et de la Suède.

LES DÉPENSES AUTRES QUE SOCIALES

Nous regroupons dans cette catégorie les dépenses de fonctionnement des services publics additionnées des investissements et de la charge de la dette. Comme précédemment et à nouveau par une approche économétrique basée sur le même échantillon de pays, nous obtenons la corrélation suivante :



Cette corrélation indique que ces types de dépenses sont en excès de 11,0 % par rapport à la norme, ce qui pour l’année 2019, représente 57 milliards d’euros.

L’EXCÉDENT DE DÉPENSES PUBLIQUES EN FRANCE

Par cette approche économétrique que nous proposons d’adopter et qui  semble être la bonne manière de procéder, l’excès de dépenses publiques dans notre pays se chiffre à un total de 249 milliards d’euros :
  • Dépenses sociales 192 : milliards d’euros
  • Fonctionnement et investissements : 57 milliards d’euros
En 2019, avec cette correction de 249 milliards d’euros, les dépenses publiques françaises auraient dû s’élever à 1099 milliards d’euros seulement, au lieu des 1348 milliards enregistrés.

Elles se situeraient ainsi à 45,3 % du PIB, ce qui est exactement le niveau de l’Allemagne. Le budget de l’État aurait eu un solde largement positif, puisque cette année-là, son déficit a été de 92,7 milliards d’euros.

Les excédents de personnels dans la fonction publique qui sont généralement le principal problème dénoncé sont très loin d’expliquer les 57 milliards de dépenses excessives dans le fonctionnement des services de l’État et des collectivités territoriales. Dans un article  sur le site EPLF nous avions chiffré à 350 000 l’effectif des personnels en surnombre dans les emplois publics, dont 190 000 emplois aidés, sur un effectif total de 5 640 000 personnes ; le coût de ces personnels excédentaires  ne représente tout au plus que 14 à 15 milliards d’euros.

L’analyse que nous présentons démontre que c’est essentiellement sur les dépenses sociales qu’il faudrait agir. Mais c’est extrêmement difficile politiquement pour tout gouvernant, quelle que soit son orientation. On se souvient du tollé qu’avait provoqué la réduction de 5 euros par mois des APL !

L’EXPLICATION DES DÉPENSES SOCIALES EXCESSIVES EN FRANCE

Les observateurs de la vie politique ne donnent pas d’autre explication des dépenses sociales excessives de la France que le laxisme de l’État. Il est certes une réalité mais en démocratie il faut être porté au pouvoir et se faire élire.

Deux facteurs se combinent : la très grave désindustrialisation du pays et la sociologie même des Français.

Le déclin de l’industrie depuis une quarantaine d’années, un secteur qui ne contribue plus aujourd’hui à la formation du PIB que pour 10 % seulement au lieu de 18 % à 20 % dans les autres pays européens, a généré un appauvrissement de la population. La puissance publique a été ainsi amenée à augmenter les prestations sociales pour y remédier, d’année en année.

La corrélation est très forte entre la production industrielle des pays et le PIB per capita de ses habitants. La fonte du secteur industriel s’est fortement répercutée sur le PIB par tête des Français. La révolte des Gilets jaunes déclenchée en octobre 2018 a été l’illustration même de ce phénomène, et n’a pas été suffisamment soulignée. Par ailleurs, il est bien connu que les Français attendent tout de l’État.

Daniel Cohen, professeur d’économie à Normal sup, explique que nous sommes passés d’un État gendarme à un État providence. Au XVIIIe siècle, Tocqueville écrivait déjà :

"Les Français comptent toujours, pour se sauver, en un Pouvoir qu’ils détestent, mais se sauver par eux-mêmes est la dernière chose à laquelle ils pensent."

Avec la crise de la Covid-19 nos gouvernants ont enfin pris conscience des désastres causés par la grave désindustrialisation du pays.

Mais remonter la pente dans le contexte actuel d’une Chine devenue l’usine du monde va être extrêmement difficile. Pour mettre fin à son endettement extérieur, le pays devra nécessairement réduire ses dépenses sociales : la première urgence consistera à mettre fin aux gaspillages, et en tout premier lieu à débusquer toutes les fraudes aux prestations sociales que certains auteurs n’hésitent pas à chiffrer à une cinquantaine de milliards d’euros par an.

Dans une tribune du journal Libération du 17 septembre 2010 Hervé Novelli, Secrétaire d’État au Commerce et à l’Artisanat, énonçait :

"La meilleure garantie du niveau de vie des Français, à terme, ce n’est pas le niveau de nos transferts sociaux, c’est la croissance du PIB."

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